jeudi, octobre 02, 2008

In the mood for love...

Edit du 22/10
Merci. Merci pour tous vos commentaires. Avec tout ça, je me sens plus légère. Un peu. Merci de votre compréhension, de vos témoignages (merci Léa) et de votre tentative d'alléger ma culpabilité. Je fais avec. J'y pense et puis j'oublie. Jusqu'à ce que j'y pense à nouveau. Mais ça reste là, comme un échec non digéré. Qui s'en va rejoindre tous les autres échecs volontaires ou pas. En tous cas, tout ça n'a pas entamé l'amour que nous avons Doux et moi (l'ont constaté celles qui nous connaissent "en vrai") et la foi que nous avons en notre "recomposition". Qui aujourd'hui fonctionne à merveille sans grincement aucun. Et j'aime voir notre fonctionnement au quotidien.
Désolée pour ma présence en pointillé, je traine ma lassitude d'automne et mon énergie s'effiloche.



Elle est entrée dans la pièce, flanquée de ses lieutenants pour la circonstance. Les garçons se tenaient près d'elle, légèrement en retrait. Elle était le porte-parole, le porte-drapeau de la troupe. Autoproclamé. Les garçons lui laissaient volontiers ce rôle-là, ils préfèrent être dans l'action du quotidien ou la revendication immédiate.

- Nous voulons une réunion de famille de ce soir, d'urgence. C'est important. Excusez-nous, les invités, mais après ce ne sera plus possible.

Impérieuse. Impatiente. Pressée. Nous avions des amis à la maison ce soir-là que nous avons du planter tous seuls au milieu du salon... ça sentait l'engatz. A plein nez. Mais pas moyen de reculer, de se défiler. Après tout, nous avions tant vanté notre ouverture et notre capacité de parents à écouter les remarques quelles qu'elles puissent être qu'il ya bien un moment il où faudrait l'assumer de plein fouet. Rappelez-moi dans une prochaine vie d'être une mère intolérante, égoïste et sourde, s'il vous plait. Si vous voyez que je reprends ce même travers qui me pourrit la vie, vous avez le droit de me coller deux baffes. Je peux vous signer une décharge, si vous voulez...

Nous voilà donc rapatriés sur la pelouse du jardin. Début de soirée. J'espèrais que ça ne durerait pas trop longtemps cette affaire de gosses, qu'on en finisse au plus vite de ces récriminations adolescentes. Autant j'aurais accueilli la mise en scène avec sérénité venant des garçons et uniquement d'eux, autant là, drainée par elle, je sentais mauvaise tournure. Ça sentait le paté moisi, je vous dis.
Mais aussi suspicieuse que je pouvais l'être, je ne savais pas encore que l'odeur n'était rien à côté du goût, une fois qu'on m'aurait enfourné ça de force dans la gueule. Un goût de vieille revanche mijotée, mâchonnée, ruminée, régurgitée, ravalée pour mieux déferler ensuite. Un vieux goût de haine qui a grandi à l'ombre de moi, qui s'est développé, épanoui derrière des sourires de Joker. J'avais déjà entrevu que nos relations n'étaient pas idéales. J'en ai déjà parlé ici.

On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif, dans une famille-puzzle ,il faut que chacun accepte le projet sinon l'ensemble n'est pas viable.

Un à un, les garçons ont commencé à parler, des revendications classiques, "laissez-nous plus de liberté", "faites-nous un peu confiance", ""ne nous imposez pas votre façon de vivre on veut vivre à notre manière"... Les rôles étaient bien répartis, les textes bien appris, trop bien même, ça sentait trop la récitation, les récriminations toutes neuves jamais entendues jusque là et dans lesquelles nous ne nous reconnaissions pas. Les mots de quelqu'un d'autre dans leur bouche . Et ça sonnait étrangement, ça n'est pas vraisemblable... A nos questionnements ils ne savaient pas répondre, forcément, comme ces jeunes fanatiques embrigadés qui récitent un texte appris la veille mais dont ils ignorent la signification et la portée.

Puis, voyant ses troupes en difficulté, elle a pris la parole, elle a remis le bateau à flot, a repris la barre d'une main ferme et a parlé. Parlé. Parlé. Déversé en une heure des années de haine et de frustration. De mépris. De déni. De refus violent. Du refus violent de moi, de la vie que nous avons construit son père et moi, du refus de ma place de belle-mère, de la place de compagne de son père à la place d'une autre, de sa simple place à elle de fille de la maison... 5 années de cohabitation ont ainsi volé en éclat. Je n'étais juste pas à la bonne place au bon moment.

Pendant 6 ans, dont 5 de cohabitation, j'ai ouvert mes bras, mon coeur de (belle-)mère, ma patience. Pour finir par m'entendre dire les pire horreurs. Sans le minimum de diplomatie auquel apparemment je n 'avais pas droit, sans respect aucun, sous le prétexte qu'à 18 ans on a le droit de vote donc le droit de tout dire , n'importe où, n'importe comment et à n'importe qui, le droit de tout faire sans conséquence aucune. Des mots lourds, bilieux, crachés avec haine par saccades. Je ne sais toujours pas ce qui est le plus dur à encaisser, du fond ou de la forme.

A vouloir ménager la chèvre et le chou, une situation pourrie s'est installée pendant toutes ces années, comme un abcès non soigné qui sourd à l'intérieur et qui affleure parfois. Sans jamais mûrir,puis se résorbe à nouveau. Le chaud et le froid. J'ai compris qu'il était douloureux pour un père de devoir choisir entre sa compagne et sa fille, entre construire sa vie au présent ou complaire à ses enfants. J'ai compris, ou plutôt j'ai accepté cet inconfort d'un père, à tel point que j'ai supporté l'insupportable. J'ai supporté de nourrir tous les jours avec le sourire celle dont je savais le mépris. J'ai supporté tout ça vilement, je m'en veux aujourd'hui parce que cette servilité ressemble à ce qui j'ai fui dans ma précédente vie, comme si j'étais retombée dans cet affreux travers. Par amour. De mon plein gré, rampante.

Ce soir-là, quelque chose s'est cassé. Cassé en moi. Cassé dans notre quotidien à tous parce qu'elle est partie, parceque je ne souhaite pas qu'elle revienne, après tout ce qu'elle a dit de moi devant mes fils, après avoir essayé de les phagocyter contre moi. Je serais une mauvaise mère qui ne s'occupe pas de ses enfants, qui les laisse pousser tous seuls ,heureusement qu'ils ont croisé son chemin pour trouver enfin chaleur et attention, elle qui ne connait rien de leur passé, de ce qu'ils vivent en face... parce que les situations respectives sont bien étanches, les uns ignorant tout de ce que vivent les autres. C'est leur choix à eux, pour se protéger, pour faire de notre foyer ici un havre. Suppositions et conjectures personnelles.

Depuis, je ne peux m'empêcher de porter la lourde culpabilité et la responsabilité de l'echec relatif de la recomposition. Nous nous sommes cru Doux et moi plus forts . Pourtant, des 5 enfants de la tribu issus de nos vies antérieures, une seule a refusé le marché. Tout en acceptant les avantages de la famille élargie. Je ne peux m'empêcher de me dire que si je n'avais pas été là, s'il s 'était agit d'une autre personne que moi, la situation aurait été différente. J'ai vécu le mépris de mon ex-belle famille pendant des années, à peine ébranlée , stoïque quand même. J'ai vécu au préalable à l'adolescence des années de dictature militaire dont je n'ai pas parlé ici... Cette haine-là, jamais, une haine dont je n'aurais même pas cru qu'elle puisse émaner d'un être si jeune. J'aspirais, à 40 ans passés, à la simple tranquillité qui consiste à vivre selon ses propres choix, en accord avec soi-même. Et je m'en veux de m'être laissée prendre à ce piège-là une nouvelle fois. Par amour pour mon Doux.

Tout ça est trop lourd aujourd'hui. Je ne trouve plus ma place dans cette famille que j'ai participé à construire et une alarme s'est déclenché en moi il y a peu. Aujourd'hui je dois vivre avec la lourde responsabilité d'avoir séparé au quotidien un père et sa fille de 19 ans, alors qu'aucun d'eux n'était prêt au sevrage réciproque ... Même s'ils se voient très fréquemment, je sais que lui souffre de ne plus l'avoir à portée de voix, à portée de main. Maintenant, il faut également que je "partage" ma fille-Lapin avec sa demi-soeur selon son bon désir lorsque sa soeurette lui manque. Comme un droit de visite. Le beurre et l'argent du beurre. Moi mais sans moi. Annulée. Effacée. Déniée. Reniée. En transparence.

Et s'impose à moi la question dérangeante... jusqu'à quand supporterai-je cette situation ? Si seulement je pouvais me dépouiller de cette culpabilité (dont je m'affuble certainement toute seule...) pour continuer de vivre ma belle histoire avec Doux.

Lutter, et lutter toujours pour avoir le droit de vivre cette histoire, lutter contre nos ex qui n'admettent pas, lutter contre nos ex qui mettent des bâtons dans les roues de notre quotidien encore et toujours, lutter maintenant contre l'un de nos enfants.

J'ai besoin d'air, de beaucoup d'air. Et de me décharger de toutes mes culpabilités.
C'est dit.




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