Piège ?
Ding dong...
Je remonte d'un coup en bordure de sommeil. Dans cette frange de la conscience où le monde est encore irréel, flottant, où les bruits d'outre-moi se mêlent aux restes d'un rêve.
Ding dong...
pop... Ma bulle éclate. D'une ultime respiration, j'ai atteint la surface. L'éveil. A l'affut. Raide dans mon lit. Je tourne la tête lentement vers le réveil. 02:08.
- Tu es réveillée ?
Doux non plus ne dort pas. Je n'ai donc pas rêvé. Parfois la nuit, lorsque mon esprit flotte entre deux mondes, ça tintinnabule dans ma tête. Des bruits s'entrechoquent. Réels ou irréels, je ne sais jamais. Il m'arrive alors de me lever, de faire le tour de la maison, pièce par pièce, de dresser l'oreille longuement et d'observer les chats. D'être apaisée par leur quiétude et l'engourdissement de leur corps mou sur le tapis. Fausse alerte.
Cette nuit, ça n'en était pas une.
- Qu'est-ce qu'on entend ?
Ding Dong.
Le carillon se fait impérieux. Je pense à la voisine. D'un même bond, nous nous levons. Descendons. Lumières allumées. D'un doigt leste je soulève le bord d'une lame du store de la cuisine. Ma fenêtre de concierge, celle qui donne sur le perron. La lumière du porche est allumée. Deux hommes. Un jeune. Un moins jeune.
J'ouvre la porte précautionneusement, un pied calé à mi-course. Doux est derrière moi, légèrement en retrait. Dans l'ombre.
Le jeune homme s'excuse de nous déranger. Il explique. L'homme qui l'accompagne est un routier anglais tombé en panne d'essence. Il ne dispose que de billets, pas de carte bleue pour remplir le réservoir de son camion à l'automate du supermarché d'à côté. Enfin... d'à côté... un petit kilomètre quand même. Il demande si nous pourrions lui prendre de l'essence avec notre carte bleue, il nous paierait en espèces.
Intriguée, je me dit que voilà une bien étrange requête à 2h du matin en presque pleine campagne. Je réponds la première chose qui me vient à l'esprit. C'est une crétinerie et je le sais.
- Euh... je n'ai pas de carte bleue.
Après tout, il y a mille raisons très plausibles pour lesquelles je pourrais ne pas avoir de carte bleue...
Le jeune homme me regarde surpris, se tourne vers l'autre homme qui commence à réexpliquer, en anglais
- I'll pay you, I've got "kêch".
Un fort accent du Nord de l'île.
Il a sorti une petite liasse de billets.
Je me sens navrée pour lui, compatissante, mais pas suffisamment pour sortir à 2h du matin, prendre la CB familiale, aller au Super*U local devant lequel il ne passera personne avant des heures... avec 2 inconnus... au douteux prétexte qu'un chauffeur routier dont c'est le métier de rouler, n'a pas anticipé une panne aussi prévisible ... qu'il a une livraison à faire en France sans un moyen de paiement de secours... Qu'à 2h du matin, son camion se trouve sur la Nationale qui longe l'autoroute, sur laquelle une station ouverte toute la nuit l'aurait dépanné à 10 km de là...
Doux est sorti de l'ombre, leur a suggéré d'attendre le matin dans un hôtel l'ouverture du guichet de la station-service.
Les deux hommes ont eu un mouvement de recul à son apparition, se sont excusés et sont partis sans insister.
- C'est quoi ce plan foireux ? Ai-je demandé en refermant la porte.
- Un plan foireux.
A répondu mon Doux.
J'ai mis deux heures à retrouver le sommeil. Je ne pouvais m'empêcher de me demander "et si c'était vrai ?" Me justifiant en pointant les incohérences. Que fait-il en dehors de l'autoroute à 2h du matin ? Comment ne pas anticiper ce genre d'incident lorsqu'on est un professionnel du T.I.R ? J'ai échaffaudé des hypothèses. Peut être un chauffeur qui est son propre patron, obligé de tirer les prix au maximum, d'éviter l'autoroute qui coute un bras (surtout dans les Alpes), éviter la carte internationale dont l'utilisation dans une monnaie différente est soumise à surtaxation (aaaah oui, elle coûte cher, l'exclusion volontaire de la zone euro, n'est-ce pas !)
Peut être était-il vraiment dans la panade. Peut être n'était-ce qu'une ruse ... Je n'ai pas pris le risque. Ce n'est pas comme si j'avais trouvé un type ensanglanté sur mon perron, n'est-ce pas ?
Comment aurais-je réagi si j'avais été dans sa situation ? Je n'aurais, c'est sûr, jamais osé réveiller le voisinage de façon aussi impérilleuse en pleine nuit.
Sur ce, il s'est mis à pleuvoir dru. Elle est tombée pendant dix heures d'affilée.
A présent, les nuages découvrent doucement les crêtes de la Chartreuse, dévoilant les sapins poudrés de la première neige. Juste là, au-dessus. Si près.
Et vous, qu'auriez-vous fait à 2h du matin ?
Je remonte d'un coup en bordure de sommeil. Dans cette frange de la conscience où le monde est encore irréel, flottant, où les bruits d'outre-moi se mêlent aux restes d'un rêve.
Ding dong...
pop... Ma bulle éclate. D'une ultime respiration, j'ai atteint la surface. L'éveil. A l'affut. Raide dans mon lit. Je tourne la tête lentement vers le réveil. 02:08.
- Tu es réveillée ?
Doux non plus ne dort pas. Je n'ai donc pas rêvé. Parfois la nuit, lorsque mon esprit flotte entre deux mondes, ça tintinnabule dans ma tête. Des bruits s'entrechoquent. Réels ou irréels, je ne sais jamais. Il m'arrive alors de me lever, de faire le tour de la maison, pièce par pièce, de dresser l'oreille longuement et d'observer les chats. D'être apaisée par leur quiétude et l'engourdissement de leur corps mou sur le tapis. Fausse alerte.
Cette nuit, ça n'en était pas une.
- Qu'est-ce qu'on entend ?
Ding Dong.
Le carillon se fait impérieux. Je pense à la voisine. D'un même bond, nous nous levons. Descendons. Lumières allumées. D'un doigt leste je soulève le bord d'une lame du store de la cuisine. Ma fenêtre de concierge, celle qui donne sur le perron. La lumière du porche est allumée. Deux hommes. Un jeune. Un moins jeune.
J'ouvre la porte précautionneusement, un pied calé à mi-course. Doux est derrière moi, légèrement en retrait. Dans l'ombre.
Le jeune homme s'excuse de nous déranger. Il explique. L'homme qui l'accompagne est un routier anglais tombé en panne d'essence. Il ne dispose que de billets, pas de carte bleue pour remplir le réservoir de son camion à l'automate du supermarché d'à côté. Enfin... d'à côté... un petit kilomètre quand même. Il demande si nous pourrions lui prendre de l'essence avec notre carte bleue, il nous paierait en espèces.
Intriguée, je me dit que voilà une bien étrange requête à 2h du matin en presque pleine campagne. Je réponds la première chose qui me vient à l'esprit. C'est une crétinerie et je le sais.
- Euh... je n'ai pas de carte bleue.
Après tout, il y a mille raisons très plausibles pour lesquelles je pourrais ne pas avoir de carte bleue...
Le jeune homme me regarde surpris, se tourne vers l'autre homme qui commence à réexpliquer, en anglais
- I'll pay you, I've got "kêch".
Un fort accent du Nord de l'île.
Il a sorti une petite liasse de billets.
Je me sens navrée pour lui, compatissante, mais pas suffisamment pour sortir à 2h du matin, prendre la CB familiale, aller au Super*U local devant lequel il ne passera personne avant des heures... avec 2 inconnus... au douteux prétexte qu'un chauffeur routier dont c'est le métier de rouler, n'a pas anticipé une panne aussi prévisible ... qu'il a une livraison à faire en France sans un moyen de paiement de secours... Qu'à 2h du matin, son camion se trouve sur la Nationale qui longe l'autoroute, sur laquelle une station ouverte toute la nuit l'aurait dépanné à 10 km de là...
Doux est sorti de l'ombre, leur a suggéré d'attendre le matin dans un hôtel l'ouverture du guichet de la station-service.
Les deux hommes ont eu un mouvement de recul à son apparition, se sont excusés et sont partis sans insister.
- C'est quoi ce plan foireux ? Ai-je demandé en refermant la porte.
- Un plan foireux.
A répondu mon Doux.
J'ai mis deux heures à retrouver le sommeil. Je ne pouvais m'empêcher de me demander "et si c'était vrai ?" Me justifiant en pointant les incohérences. Que fait-il en dehors de l'autoroute à 2h du matin ? Comment ne pas anticiper ce genre d'incident lorsqu'on est un professionnel du T.I.R ? J'ai échaffaudé des hypothèses. Peut être un chauffeur qui est son propre patron, obligé de tirer les prix au maximum, d'éviter l'autoroute qui coute un bras (surtout dans les Alpes), éviter la carte internationale dont l'utilisation dans une monnaie différente est soumise à surtaxation (aaaah oui, elle coûte cher, l'exclusion volontaire de la zone euro, n'est-ce pas !)
Peut être était-il vraiment dans la panade. Peut être n'était-ce qu'une ruse ... Je n'ai pas pris le risque. Ce n'est pas comme si j'avais trouvé un type ensanglanté sur mon perron, n'est-ce pas ?
Comment aurais-je réagi si j'avais été dans sa situation ? Je n'aurais, c'est sûr, jamais osé réveiller le voisinage de façon aussi impérilleuse en pleine nuit.
Sur ce, il s'est mis à pleuvoir dru. Elle est tombée pendant dix heures d'affilée.
A présent, les nuages découvrent doucement les crêtes de la Chartreuse, dévoilant les sapins poudrés de la première neige. Juste là, au-dessus. Si près.
Et vous, qu'auriez-vous fait à 2h du matin ?
Libellés : L'aventure du quotidien
19 Comments:
J'aurais sûrement joué la prudence comme toi, mais comme toi, j'aurais aussi eu beaucoup de mal à retrouver le sommeil en me posant mille questions...
J'aurais sans doute fait comme toi.
T'en as parlé à tes voisins ?? Les deux zozos ont sonné aussi chez eux ??
C'est pas facile de répondre une fois qu'on a bien réfléchi au problème.. On n'est pas dans le coltar, à 2h du mat', avec deux inconnus sur le perron qui réclament une carte bleue, nous ! ^^
Enfin, chez moi déjà, y'a pas de sonnette.. pis j'suis pas non plus à un kilomètre de l'autoroute, ni d'une station service d'ailleurs ^^
Mais j'suis d'accord avec Doux.. Plan foireux..
J'aurais dit non tout simplement ! Cela sent le traquenard à plein nez.
PLAN FOIREUX!!! tu as bien fait. Donne à ceux qui sont réellement dans le besoin que ce soit du temps ou de l'argent, mais là ça pue trop. Doux à sûrement raison. Et même si... Quelques heures d'attentes pour un camionneur British contre le risque d'une séquestration, d'un viol, d'un vol.. Ca ne fait pas pencher la balance. Dors sur tes deux oreilles va!
(PS: j'aime quand même ta mauvaise conscience qui témoigne d'une très belle conscience...)
A très bientôt!
Même s'ils étaient de bonne foi, ils devaient bien se douter que tout le monde réagirait comme ça à deux heures du matin. Et donc, qu'ils n'avaient aucune chance d'obtenir ce qu'ils voulaient. Non , amis qu'est-ce qu'ils imaginaient, c'est incroyable. Et toi qui te culpabilise au fond de ton lit...
Il est vrai que toute notre sociéte est organisée en fonction des quelques brebis galeuses qui ne respectent pas les règles. Assurances, permis à points, antivols, bombes lacrymogènes, alarmes, amendes, antivirus, video surveillance, digicodes, codes secrets, fouille à l'entrée des stades ou des concerts, jusqu'à ces lettres que l'on doit taper pour pouvoir poster ce commentaire. Ma grand mère l'a toujours dit, depuis que le monde est monde, les bons payent pour les mauvais....
Passe une meilleure nuit cette fois!
celestine
Hum, je ne veux pas "psychoter", ni t'effrayer, mais c'est louche ton histoire... les chauffeurs routiers sont des pros, même les Anglais, et je les imagine mal réveillant une famille en pleine nuit pour une telle démarche... je comprends d'autant moins l'intervention du second acolyte dans l'histoire... et puis ça ressemble de loin à certaines arnaques à la CB qu'on retrouve un peu partout... tu devrais peut-être signaler la chose aux autorités, qui sait ? d'autres personnes ont peut-être vécu la même expérience ces derniers temps dans ta région ?
C'est pas très crédible vu d'ici en tous cas !
Bisous, dors bien cette nuit !
Manderley
Pareil que toi, sans hésitation, de plus je n'aurais même ,pas ouvert la porte
Non aussi, et derrière la porte fermée. Et je serais peut être même allée en toucher un mot à la gendarmerie, parce que, si ils avaient sonné chez des personnes agées ... personne de sensé ne sonne chez des inconnus à 2h00 du mat, ça sent le plan glauque à plein nez.
En effet comme MS j'aurais aussi passé un coup de fil à la gendarmerie. Ils seraient allés faire un tour du coté du routier, au mieux l'auraient orienté vers un hotel, au pire soulevé un truc louche.
A 2h du mat on ne suit pas deux types avec sa carte bleue, seule dans la nuit......tu as parfaitement réagi.
Faut pas me demander : étant donné que ma petite rue est interdite aux camions et que la traversée de toute la commune leur est interdite entre 22h et 6h, clairement ça m'aurait paru très très très louche...
Mais tu as raison, un pro ne se laisse pas avoir par une panne d'essence et il aurait logiquement cherché de l'aide auprès de collègues ou compatriotes (les routiers ont tous la cibie non ?) au lieu de sonner chez des inconnus.
Sinon je ne pense pas que j'aurais ouvert à un coup de sonnette à 2h du mat, je me serais contentée de parler à travers la porte vitrée...
Je crois que n'aurais même pas eu le courage d'ouvrir ma porte.
toute seule j'aurais jamais ouvert la porte...ou alors je serais morte juste après...Damned
PS je t'ai laissé un long MSN...
je n'aurai pas ouvert la porte...mais je triche car chez moi je peux parler aux personnes dehors à l'abri de mon patio à l'étage..et puis la rue n'est pas possible aux camions,et puis la station n'est pas ouverte la nuit même avec une cb.;et puis..pfui!!!!
* Tanette, une bonne demi-nuit blanche chez toi aussi, donc ?
* Catherine, avec du recul il me semble en effet que c'était la meilleur (la seule !) solution !
* Aile, non, pas parlé aux voisins..
* Valérie, mais je n'aurais pas osé dire brutalement "non, jamais de la vie, vous en avez de drôles d'idées..!" Pourtant, c'eut êté la meilleure et la plus simple des réponses !
* Delphine, sympa ton inventaire...mais c'est l'idée effectivement ,d'autant qu'il s'est déjà passé un truc du même genre l'année dernière, deux fois, juste à côté...
* Celestine, de bonne foi, avec le recul j'en doute de plus en plus, ou alors je deviens aigrie et trop suspicieuse mais quand même, on ne vit pas au pays des Bisounours...
* Manderley, même pas eu l'idée de prévenir la gendarmerie, tiens... j'espère que personne ne s'est fait avoir, c'est un peu fort de café, sortir comme ça sa CB en pleine nuit pour des inconnus ! On s'est aussi demandé ce que faisait l'autre avec lui...
* BricolGirl, j'ai pensé que ça pouvait être la voisine qui avait eu un problème, et puis si je n'étais pas allée voir je serais restée tétanisée toute la nuit dans mon lit.
* MS et Lili, j'ai pas eu le reflexe gendarmerie (Doux non plus apparemment) mais à vous lire ça semble maintenant évident que j'aurais du/pu le signaler...
* Luna part et
* Co de Conte, le camion n'était pas dans ma rue, mais ma maison est la 1ère que l'on voit de la nationale après avoir traversé le champ qui est devant. La 1ère mais pas la seule... je doute que les voisins aient ouvert, ils n'ouvrent déjà pas pour halloween ! le supermarché est à 1 km de chez moi, pourquoi avoir atterri sur mon perron et pas ailleurs...mystère... peut être parceque nous sommes les seuls à n'avoir pas de portail...
*Belzouzou et Béné, chuis trop curieuse, et curiosity killed the cat ;-)
Bientôt on installe un méga portail et une vidéo à l'entrée...;-)
je crois que j'aurai pas ouvert,trop trouillarde!!
curiosity kills the cat...
I forgot this one ;-)
Pas compliqué : ils restaient au portail et de l'interphone, je leur aurais dit : "bougez pas, j'appelle les flics pour qu'ils vous dépannent"... En principe, ça aurait été reglé...
Trouillarde comme je suis, je n'aurais même pas ouvert ! Si je te racontais qu'un soir, sous ma fenêtre, alors qu'on regardait la télé, un type était en train d'en enfermer un autre, ficelé et bâillonné dans le coffre d'une bagnole et que j'ai failli en mourir tellement j'ai eu peur... Si tu suis mon blog, un de ces quatre, je vais en causer dans l'histoire de "L'herbe bla bla bla"... J'ai mis des semaines à m'en remettre... Alors à 2h du mat', pas la peine de sonner chez moi !
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