Je déteste le lait chaud
Dehors, le souffle chaud du föhn excite les branches des arbustes de la haie. Comme si le temps était à l'orage, les mouches, agaçantes, ont "collé" toute la journée. Un je-ne-sais-quoi d'énervement, de folie furieuse dans l'air. Dans ma tête aussi. Comme si dansaient des centaines d'abeilles qui, prisonnières, se cogneraient violemment à ma boîte crânienne. Elles vrombissent à l'intérieur encore plus fort depuis que je suis couchée. La désagréable impression d'être sous un champ électrique.
Je me retourne encore une fois. La joue gauche sur l'oreiller. Les bras croisés sous l'oreiller. Le volet roulant vibre sous les spasmes du vent. Je pense un temps fermer la fenêtre pour atténuer le bruit. Une moto passe au loin. A cette heure de la nuit, en dressant un peu l'oreille, on arrive à entendre le vrombissement qui vient de l'autoroute. C'est l'heure à laquelle on s'arrête sur les bruits, l'heure à laquelle on focalise sur eux, ils s'incrustent en nous pour ne plus nous lâcher. J'essaie de poser mon attention auditive ailleurs. Je décortique les bruits de la nuit. le choc de la corde à noeux sur le montant de bois du portique. Le gratouilli d'un chat dans la caisse sur la terrasse. Une porte claque. Une occasion de me lever. La fenêtre de la buanderie était restée ouverte.
Il serait raisonnable de monter se coucher à nouveau. Un chat miaule à l'extérieur. Le vent n'en finit pas de chuchoter.
Je me recouche. Non sans avoir pris une couette légère au passage. J'aime m'endormir emmitouflée, comme dans un nid. Quitte à étouffer en cours de route. Je m'allonge sur le dos et respire lentement, pour calmer le vrombissement sous mon crâne. Respiration lente et profonde, comme dirait ma prof de yoga. Quelques étirements dans le noir. Respirer à nouveau. Sentir mon corps s'alourdir sur le matelas.
Dehors, le-vent-qui-énerve continue d'attiser mon agitation. Toujours ces abeilles qui vrombissent. Descendent le long de l'arcade sourcilière. S'arrêtent sur le contour osseux de l'oeil droit. Des bulles pétillent dans mon sinus. La nuit commence mal. Je connais trop ces signes. Le manque de sommeil accumulé. Je me lève à nouveau et me rue sur un anti-inflammatoire dans la salle de bain. Je me recouche et attends qu'il fasse effet. Je ne contrôle plus les idées qui se bousculent dans ma tête. J'essaie juste de mettre en forme ce qui s'y agite avec le vent. Je peaufine la recette de crème légère prévue. Penser à ôter l'huile d'argousier de ma recette et y mettre des huiles essentielles apaisantes et rassurantes. Une sorte d'olfactothérapie. Petitgrain-camomille-lavande. Vérifier s'il me reste un fond de flacon de "Rescue". Noter des ingrédients pour le savon tout vert de ma prochaine séance de savonnière. Huiles d'avocat-chanvre et olive. Trouver un avocat mûr. Ne pas oublier de faire le savon au lait de riz auquel je pense depuis longtemps.
En triant les plate-bandes à la fin du mois de septembre, penser à déplacer le romarin, qui étouffe sous les brassées jaunes trop lourdes des choreopsis.
Je me tourne à nouveau sur le côté gauche. Les bras le long du corps. Doux dort. Quand je tends le bras, ma main s'arrête sur sa hanche. J'aime ça. Quand je tends la jambe, de mon pied je frôle son mollet. ça m'apaise. Je souris dans l'obscurité en pensant au bonheur que j'ai de dormir tous les soirs près de lui. Mais qu'est-ce qu'ils m'agacent, ces gens qui arrivent à s'endormir dès qu'ils posent la tête sur l'oreiller ! Les bienheureux, comme je les jalouse...
Il est presque 03h. Voilà plus de 3h que je tourne et vire à la recherche d'un peu de sommeil. Le réveil sonnera à 08h. Je dois donner un coup de main à l'association des parents d'élèves du lycée. J'ai promis. Je serai fraîche comme une vieille moule. Tant pis. Ma tête vrombit toujours. Sans douleur. Juste l'impression d'avoir le crâne dans un transfo haute tension.
Je me lève. Alerte et vive. Je descends et je remplis un grand verre de lait. Micro-onde.Une cuillère à café de miel, une rasade d'eau de fleurs d'oranger. Penser à en racheter.
Je déteste le lait chaud.
Je déteste le lait sucré.
Je déteste le (goût du) miel sauf dans les plats salés.
Mais il faut ce qu'il faut...
J'allume la borne wifi. Puis l'ordinateur. Lis les news. L'autopsie du corps du chanteur révèle qu'il s'agit "d'une intoxication due au propofol", l'anesthésiant qu'il se faisait administrer pour lutter contre ses insomnies. Un homicide. Damned, faut-il être bien malheureux pour en arriver à chercher son sommeil si loin dans la chimie... Je lis un billet sur un blog qui me réjouit. J'avale mon lait chaud en grimaçant et monte me coucher, le coeur plus léger.
Lapin se réveille, Doux se lève pour elle. Si j'arrive à m'endormir dans la demi-heure, j'aurais eu une nuit de 4 heures.
Ou de 3 h30.
C'est à cette-là que la nuit est la plus silencieuse. Les tardifs sont déjà rentrés, les matinaux dorment encore. C'est l'heure où l'on entend le bois de la maison craquer.
Je sais que quoi qu'il en soit, je m'effondrerai au plus tard vers 06h. Cette fois, par chance, le réveil ne sonnera pas à 06h40 mais à 08h. Ma grande insomnie de l'année a trois jours d'avance.
La dernière fois que j'ai regardé l'heure, il était presque 05h.
Ce matin, le vent a lavé le ciel et lui a rendu ce bleu quasi turquoise si caractéristique. L'air est clair. Le vert des alpages tranche violemment, à peine ourlé du gris de la roche. La montagne est nette ; on y voit chaque aspérité, chaque pli, chaque creux des dentelles de calcaire.
Une nouvelle journée. Avant une nouvelle nuit.
Je me retourne encore une fois. La joue gauche sur l'oreiller. Les bras croisés sous l'oreiller. Le volet roulant vibre sous les spasmes du vent. Je pense un temps fermer la fenêtre pour atténuer le bruit. Une moto passe au loin. A cette heure de la nuit, en dressant un peu l'oreille, on arrive à entendre le vrombissement qui vient de l'autoroute. C'est l'heure à laquelle on s'arrête sur les bruits, l'heure à laquelle on focalise sur eux, ils s'incrustent en nous pour ne plus nous lâcher. J'essaie de poser mon attention auditive ailleurs. Je décortique les bruits de la nuit. le choc de la corde à noeux sur le montant de bois du portique. Le gratouilli d'un chat dans la caisse sur la terrasse. Une porte claque. Une occasion de me lever. La fenêtre de la buanderie était restée ouverte.
Il serait raisonnable de monter se coucher à nouveau. Un chat miaule à l'extérieur. Le vent n'en finit pas de chuchoter.
Je me recouche. Non sans avoir pris une couette légère au passage. J'aime m'endormir emmitouflée, comme dans un nid. Quitte à étouffer en cours de route. Je m'allonge sur le dos et respire lentement, pour calmer le vrombissement sous mon crâne. Respiration lente et profonde, comme dirait ma prof de yoga. Quelques étirements dans le noir. Respirer à nouveau. Sentir mon corps s'alourdir sur le matelas.
Dehors, le-vent-qui-énerve continue d'attiser mon agitation. Toujours ces abeilles qui vrombissent. Descendent le long de l'arcade sourcilière. S'arrêtent sur le contour osseux de l'oeil droit. Des bulles pétillent dans mon sinus. La nuit commence mal. Je connais trop ces signes. Le manque de sommeil accumulé. Je me lève à nouveau et me rue sur un anti-inflammatoire dans la salle de bain. Je me recouche et attends qu'il fasse effet. Je ne contrôle plus les idées qui se bousculent dans ma tête. J'essaie juste de mettre en forme ce qui s'y agite avec le vent. Je peaufine la recette de crème légère prévue. Penser à ôter l'huile d'argousier de ma recette et y mettre des huiles essentielles apaisantes et rassurantes. Une sorte d'olfactothérapie. Petitgrain-camomille-lavande. Vérifier s'il me reste un fond de flacon de "Rescue". Noter des ingrédients pour le savon tout vert de ma prochaine séance de savonnière. Huiles d'avocat-chanvre et olive. Trouver un avocat mûr. Ne pas oublier de faire le savon au lait de riz auquel je pense depuis longtemps.
En triant les plate-bandes à la fin du mois de septembre, penser à déplacer le romarin, qui étouffe sous les brassées jaunes trop lourdes des choreopsis.
Je me tourne à nouveau sur le côté gauche. Les bras le long du corps. Doux dort. Quand je tends le bras, ma main s'arrête sur sa hanche. J'aime ça. Quand je tends la jambe, de mon pied je frôle son mollet. ça m'apaise. Je souris dans l'obscurité en pensant au bonheur que j'ai de dormir tous les soirs près de lui. Mais qu'est-ce qu'ils m'agacent, ces gens qui arrivent à s'endormir dès qu'ils posent la tête sur l'oreiller ! Les bienheureux, comme je les jalouse...
Il est presque 03h. Voilà plus de 3h que je tourne et vire à la recherche d'un peu de sommeil. Le réveil sonnera à 08h. Je dois donner un coup de main à l'association des parents d'élèves du lycée. J'ai promis. Je serai fraîche comme une vieille moule. Tant pis. Ma tête vrombit toujours. Sans douleur. Juste l'impression d'avoir le crâne dans un transfo haute tension.
Je me lève. Alerte et vive. Je descends et je remplis un grand verre de lait. Micro-onde.Une cuillère à café de miel, une rasade d'eau de fleurs d'oranger. Penser à en racheter.
Je déteste le lait chaud.
Je déteste le lait sucré.
Je déteste le (goût du) miel sauf dans les plats salés.
Mais il faut ce qu'il faut...
J'allume la borne wifi. Puis l'ordinateur. Lis les news. L'autopsie du corps du chanteur révèle qu'il s'agit "d'une intoxication due au propofol", l'anesthésiant qu'il se faisait administrer pour lutter contre ses insomnies. Un homicide. Damned, faut-il être bien malheureux pour en arriver à chercher son sommeil si loin dans la chimie... Je lis un billet sur un blog qui me réjouit. J'avale mon lait chaud en grimaçant et monte me coucher, le coeur plus léger.
Lapin se réveille, Doux se lève pour elle. Si j'arrive à m'endormir dans la demi-heure, j'aurais eu une nuit de 4 heures.
Ou de 3 h30.
C'est à cette-là que la nuit est la plus silencieuse. Les tardifs sont déjà rentrés, les matinaux dorment encore. C'est l'heure où l'on entend le bois de la maison craquer.
Je sais que quoi qu'il en soit, je m'effondrerai au plus tard vers 06h. Cette fois, par chance, le réveil ne sonnera pas à 06h40 mais à 08h. Ma grande insomnie de l'année a trois jours d'avance.
La dernière fois que j'ai regardé l'heure, il était presque 05h.
Ce matin, le vent a lavé le ciel et lui a rendu ce bleu quasi turquoise si caractéristique. L'air est clair. Le vert des alpages tranche violemment, à peine ourlé du gris de la roche. La montagne est nette ; on y voit chaque aspérité, chaque pli, chaque creux des dentelles de calcaire.
Une nouvelle journée. Avant une nouvelle nuit.
Libellés : Moi et mon nombril...
12 Comments:
qu'est ce que je connais ces longues nuits
moi,j'attrape mon flacon "nuit paisible" de fleurs de bach,ça marche quand je refechis pas trop
Terribles ces nuits où le sommeil ne vient pas alors qu'on n'en a que trop besoin...les idées et les heures défilent à toute allure... La perspective du lendemain tout "embrumé" au cours duquel les tâches devront quand même être accomplies...rend encore plus insupportable l'attente d'une ou deux heures de repos....
J'espère que tu as au moins pu faire une petite sieste... Bises.
copine d'insomnie...mais je n'ose pas encore rallumer l'ordi...
par contre le canapé connait ces moments où rien n'y fait..je ne dormirai pas encore cette fois...et les pensées partiront à fond...tumulte géant...
Comme c'est bien décrit, on s'y reconnaît tous je crois. Le vent, les craquements, les bruits amplifiés, les guêpes... les changements de positions... j'ajouterais aussi les gratouilles, tu sais, tout à coup, un endroit te chatouille et puis ça n'arrête plus, c'et nerveux et tu ne peux plus t'arrêter (comme quand on évoque les poux!).
A propos, il ne se réveille pas ton homme, quand tu fais ces gestes d'approche ;-) Et le lait, oui, d'accord avec toi, c'est infect, surtout chaud. Tu devrais essayer avec du cognac, on m'a préparé ça un jour de grippe, je suis tombée assommée sur mon lit et ai ronflé jusqu'au lendemain! J'espère que tu en es quittes maintenant et que les prochaines seront bonnes. Des nouvelles pour le boulot?
La grande insomnie de l'année...tu as de chance de ne vivre ça qu'une fois. C'est fou comme le cerveau s'éparpille dans ces moments-là.
Bonne nuit prochaine.
t'as bien dormi ? Léo n'est pas venu ! No news, good news ?
Ah là là, moi je m'endors très vite, et à 2H du matin, c'est fini, plus rien. Alors, je vais bouquiner ou regarder une bêtise à la télé. Le truc le plus bête possible. Et il y a du choix...
Quand au lait chaud, rien que l'écrire m'écoeure. Une p'tite tisane, ça serait pas mieux ?
* Letis, merci de ton passage. Les fleurs de bach ça fonctionne comme tu dis "quand je ne réfléchis pas trop". Dès que le cerveau commence à turbiner à fond, j'ai du mal à l'arrêter...
* Tanette, je fais un sevrage de siestes pour justement essayer de tomber de sommeil le soir...
* Co de contes, tumulte géant, c'est tout à fait ça... multiplié par le silence et l'obscurité...
* Delphine, je reconnais que parfois,en insistant un peu, si je m'ennuie trop, je finis par réveiller Doux... suivant la phase de son sommeil il peut le prendre très mal ou très très bien ;-)
*Bricol, la Grande Insomnie de l'année c'est la complète jambon-fromage ; en temps normal c'est la nuit qui s'achève à 4h...
* Béné, Bien dormi (camomille+passiflore+aubépine). Laisse-moi deviné...il a oublié ?!
* SoeurAnne, m'en parle pas, je ne m'en remets pas de mon verre de lait chaud :-) Figure toi que sur le coup j'ai aps pensé à la tisane, pourtant j'en manque pas !
nan il s'est endormi.....
Je n'arrête pas de dire qu'il faudrait que tu te décides à écrire... Mais vraiment... Pas que pour nous quoi..
Mais bon, je t'imagine levant les yeux au ciel en me gratifiant d'un "comme si".. Donc je n'insiste pas ^^
* Béné, ah ben c't'original, ça ;-)
* Aile, tu dis exactement comme ma mère... :-) Un jour, peut être, quand je serai oisive et à la retraite ! Mais bon, j'ai rien à dire ,qui ça intéresse, ce rien ?
Bisous plein, tu es chez toi aujourd'hui, donc..?
Super bien décrit. Je dors comme un loir qui aurait pris un somnifère, quelle chance hein!
Mais beurk, le lait chaud, que je te comprends, ça me rappelle le lait chaud de l'école, avec cette peau hideuse qui y frétillait...
Quelle chance de dormir près de lui, oui ça aussi c'est familier. Mais moi... c'est parce que je l'entends ronfler. Ronflotter, devrais-je dire, sans quoi ce ne serait pas vraiment une chance!
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