Le cri du muet
Vrrrrttt... vrrrrtt.... Fait le téléphone en mode silence planqué dans le tiroir du bureau. Sur mon lieu de travail.
Un numéro de portable que je ne (re)connais pas.
- Allo ?
- Allo m'man, c'est Ainé.
Il est 15h, je suppose qu'il a terminé ses cours et qu'il me signale qu'il vient de rentrer à la maison... toutefois, rassurer ainsi sa génitrice n'est pas dans ses habitudes.
- Je t'appelle pour que tu t'inquiètes pas si le lycée appelle...
- ???!!!
- Je reviens de la manif', là et je vais en cours que maintenant, on n'a pas pu revenir plus tôt on avait raté le train.
Oups, j'ai trois infos importantes d'un coup : il a pris le train, il était à une manif ET il a volontairement fait sauter ses cours... ET JE N'ETAIS PAS AU COURANT...
- OK, file en cours on en reparle ce soir.
Et là, dilemne... En mère inquiète, je serais tentée de mettre sous cloche mon poussinou qui n'a 15 ans que depuis une semaine ; en mère inquiète, je le tiendrais bien éloigné des agitations citadines en cours... mais voilà. Je ne peux pas. Parce que je soutiens son combat qui est aussi le mien sur d'autres fronts (le même finalement mais sous un autre angle...) ; parce que voilà aujourd'hui le fruit de l'éducation et du sens critique que j'ai voulu inculquer... Ne pas accepter les choses ni les états de faits pour ce qu'ils sont, leur ouvrir l'esprit au monde, à la société et à la façon dont elle fonctionne, ma quête pour une société "moins pire" et ma certitude que l'on PEUT changer le monde à notre échelle.
Aujourd'hui donc je fais face à ça, à un ado qui développe à vitesse V un certain sens civique, une certaine conscience politique (une certaine idée du monde déjà bien affirmée), une énergie et une forte conviction. Le retour de bâton de cette éducation au sens critique, c'est un enfant qui n'accepte pas les états de faits sans explication, sans justification. Il veut comprendre, être concerné, impliqué. Le monde et le reste. Depuis toujours. Les pourquoi et les comment. Depuis petit. Expliquer toujours, tout le temps.
Paré de toutes mes recommandations plaintives, il a vécu son baptême de la manif il y a un mois. Il est rentré en chantant les chants que nous chantions déjà contre un certain projet universitaire dans les années 80... seul le nom du ministre a changé. Aujourd'hui il est rentré plus inquiet (et moi aussi), plus révolté, dégouté. Sur le coup il s'était demandé pourquoi la copine avec eux avait les poches pleines de dosettes de sérum physiologique ... il a vite compris pourquoi.
L'Histoire se répète. Il y a un peu plus de 20 ans de ça, nous-même déjà battions pavé, affublés des mêmes attribus vestimentaires (keffieh, cheveux longs, sacs portés épaule qui ballaient contre la cuisse, Converse aux pieds) Regardez-les et souvenez-vous. Il y a un peu plus de 20 ans, nous avions la même gnak, la même rage au ventre, le même sens violent de cette injustice de ne pas être écoutés, entendus... Comme le cri d'un muet.
Et que sommes-nous devenus aujourd'hui ? Des parents. Des adultes plus ou moins bien moulés... formatés... adaptés. Heureusement, nos enfants nous tiennent en éveil.
Cela dit, mes révoltes à moi sont toujours là... Plus que jamais.
Et les votres ?
Un numéro de portable que je ne (re)connais pas.
- Allo ?
- Allo m'man, c'est Ainé.
Il est 15h, je suppose qu'il a terminé ses cours et qu'il me signale qu'il vient de rentrer à la maison... toutefois, rassurer ainsi sa génitrice n'est pas dans ses habitudes.
- Je t'appelle pour que tu t'inquiètes pas si le lycée appelle...
- ???!!!
- Je reviens de la manif', là et je vais en cours que maintenant, on n'a pas pu revenir plus tôt on avait raté le train.
Oups, j'ai trois infos importantes d'un coup : il a pris le train, il était à une manif ET il a volontairement fait sauter ses cours... ET JE N'ETAIS PAS AU COURANT...
- OK, file en cours on en reparle ce soir.
Et là, dilemne... En mère inquiète, je serais tentée de mettre sous cloche mon poussinou qui n'a 15 ans que depuis une semaine ; en mère inquiète, je le tiendrais bien éloigné des agitations citadines en cours... mais voilà. Je ne peux pas. Parce que je soutiens son combat qui est aussi le mien sur d'autres fronts (le même finalement mais sous un autre angle...) ; parce que voilà aujourd'hui le fruit de l'éducation et du sens critique que j'ai voulu inculquer... Ne pas accepter les choses ni les états de faits pour ce qu'ils sont, leur ouvrir l'esprit au monde, à la société et à la façon dont elle fonctionne, ma quête pour une société "moins pire" et ma certitude que l'on PEUT changer le monde à notre échelle.
Aujourd'hui donc je fais face à ça, à un ado qui développe à vitesse V un certain sens civique, une certaine conscience politique (une certaine idée du monde déjà bien affirmée), une énergie et une forte conviction. Le retour de bâton de cette éducation au sens critique, c'est un enfant qui n'accepte pas les états de faits sans explication, sans justification. Il veut comprendre, être concerné, impliqué. Le monde et le reste. Depuis toujours. Les pourquoi et les comment. Depuis petit. Expliquer toujours, tout le temps.
Paré de toutes mes recommandations plaintives, il a vécu son baptême de la manif il y a un mois. Il est rentré en chantant les chants que nous chantions déjà contre un certain projet universitaire dans les années 80... seul le nom du ministre a changé. Aujourd'hui il est rentré plus inquiet (et moi aussi), plus révolté, dégouté. Sur le coup il s'était demandé pourquoi la copine avec eux avait les poches pleines de dosettes de sérum physiologique ... il a vite compris pourquoi.
L'Histoire se répète. Il y a un peu plus de 20 ans de ça, nous-même déjà battions pavé, affublés des mêmes attribus vestimentaires (keffieh, cheveux longs, sacs portés épaule qui ballaient contre la cuisse, Converse aux pieds) Regardez-les et souvenez-vous. Il y a un peu plus de 20 ans, nous avions la même gnak, la même rage au ventre, le même sens violent de cette injustice de ne pas être écoutés, entendus... Comme le cri d'un muet.
Et que sommes-nous devenus aujourd'hui ? Des parents. Des adultes plus ou moins bien moulés... formatés... adaptés. Heureusement, nos enfants nous tiennent en éveil.
Cela dit, mes révoltes à moi sont toujours là... Plus que jamais.
Et les votres ?
Libellés : L'aventure du quotidien
9 Comments:
Belles et bien présentes aussi...
De mon temps...les manifs n'existaient pas et les réformes étaient moins nombreuses.
De plus en plus révoltée car plus informée. Comme bricol-girl ma seule manif lycéenne a été le monôme du bac mort après 68.
Moi j'étais moins révoltée avant, c'est maintenant que ça me viens !
Enfin, j'ai quand même chanté contre un certain ministre, dans les années 80. Et dans ma fac de droit, ça n'était pas forcément évident.
Je n'aime pas sentir mes enfants manipulés.... c'est cela qui me révolte... Mais je me souviens qu'en 86, notre révolte n'était pas très argumentée non plus... elle était l'expression d'une angoisse, plus que d'une colère...
le slogan de l'époque, 86 c'est 68 à l'envers.....
FG
Oh moi j'ai un féru des manifs à la maison, à savoir Rhalph, et je dois dire, que comme à Rennes c'était très chaud, je flippais. certes il avait 22 ans mais je flippais.
Par contre comme ce n'est pas un amateur des dégradations, il quittait la manif aux heures prévues.
Mais je flippais quand même, on échangeait des textos.
Tout calme , il était à la tête de pas mal de trucs, et un bâtiment a pu être occupé grâce à lui.
Comme toi , partagée entre la fierté qu'il s'engage à fond dans un juste combat, et la trouille qu'il lui arrive quelque chose.
Moi aussi je l'avais fait, mais il me prévenait; je ne savais pas tout le jour même, mais il m'en parlait.
Maman d'un enfant qui s'engage, c'est pas simple. On a peur, mais on cautionne.
zut j'ai raté la neige...mais je suis là pour la manif...c'est le Principal (du collège) waaarf !
Mes combats ont changé pas ma colère même si j'essaie de la transformer en énergie positive. Dire NON c'est bien mais le non n'a de valeur que pour le OUI qu'il apporte ! Tain je filosofe grââve this morning...
PS: rien que pour te faire rager...les votres ça s'écrit les vôtres ! hi hi hi! gotcha !
Joyeuses fêtes à toi et ta famille !
Et puis d'un point de vue plus "familial", je dirais quand même qu'il te fait confiance, puisqu'il est en mesure de t'apporter d'un seul trait 3 informations suscpetibles de te mettre en rogne... C'est sûr que le réprimander ne serait pas le meilleur moyen de le récompenser de sa franchise... Tu peux être fière de ce que tu as inculqué à ton enfant: le goût de l'engagement civique, l'esprit critique, et l'honnêteté... A 15 ans.. chapeau...
Mes révoltes?... Toujours là, en pire, parce que j'enrage du saccage en cours... Entre les exactions du névropathe qui nous gouverne et les massacres perpétrés par la logique financière, y'a de la matière!
Quant à la conduite à tenir vis-à-vis d'un adofestant, je ne peux que faire profil bas... si tu parcours mes archives des temps anti-CPE, tu trouveras peut-être des idées de choses à ne pas faire...
Bizatwa,
M'ados*
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