Cassééééée !
Lorsqu’on devient parents, on pense avec beaucoup de présomption qu’on pourra modeler des citoyens responsables, des êtres plein de ces qualités que nous admirons chez les autres, des personnes respectueuses … bref, on se dit que nous allons tenter d’en faire des gens bien. Je n’ai pas échappé à la règle, et j’ai toujours eu la (vaine) prétention que l’on pouvait commencer par changer le monde en balayant devant sa porte. Rien ne sert d’avoir de beaux discours, si au quotidien on n’est pas raccord.
Quand j’ai appris que j’attendais un garçon, la première fois ça a été une grande surprise (je suis d’une famille de filles et là tout d’un coup, qu’une fille fasse un garçon ça m’a laissée perplexe… non non , ne riez pas !) mais j’étais en même temps ravie : quelle meilleure arme pour changer le monde et les mentalités, que d’élever des garçons, puisqu'il est irréfutable que ce sont les mâles qui font le monde ? Les miens allaient être élevés dans l’idée que les filles et les garçons sont égaux, même devoirs, mêmes droits ; que tous les êtres humains sont égaux, blablablabla.
Ils ont voulu des jouets guerriers et bien martiaux, j’ai lutté (mais hélas, des influences extérieures étaient toutes puissantes) pour finir par céder, vaincue. Ils ont voulu des poupées Barbies « pour faire des femmes aux Action man », ils ont voulu de mini-bébés «pour faire des bébés aux Action man et aux Barbies »…Soit. Ils ont eu l'établi du parfait bricoleur en couches-culottes, ils ont voulu apprendre à coudre et à tricoter, ils ont voulu faire du rugby et de la gym au sol… Parfait.
Mais ils ont du affronter des réflexions de membres de leur famille moyennement proche (ceux qui me lisent régulièrement verront à qui je fais allusion !) qui les recadraient bien dans des activités/pensées de leur sexe «les petits garçons ne pleurent pas» (mais si, ça pleure un petit mec, même un grand…), « ne joue pas avec la poupée de ta cousine, tu as tes voitures», «les petits garçons ne font pas tout le temps des bisous à leur maman» (alors ça c’est ce qu’on va voir !), sous LA menace supposée me faire frémir «vous allez en faire des homosexuels».
Puis ils sont allés à l’école, la maigre influence que j’avais pu avoir sur eux s’est diluée rapidement dans le vaste monde. Et quand j’entends mes ados/pré-ado parler aujourd’hui, («y a une fille dans ma classe tu verrais comme elle est bonne !»), je soupire un bon coup, je les reprends en espérant sincèrement qu’ils n’auront pas entre eux les conversations que j’entends parfois dans les cours de lycées, qu’ils respecteront leur(s) partenaire(s) , qu’ils seront des papas présents dans l’éducation de leurs enfants et qu’ils ne reproduiront pas le schéma séculaire de l’homme à la zapette télé et la femme au tablier dans la cuisine…
Mes dernières illusions sont tombées, se sont effondrées , devrais-je dire, la semaine dernière avec une remarque de mon Zébulon de 8 ans. A tour de rôle ils mettent la table, débarrassent le lave-vaisselle et la table après le repas. Chéri et moi cuisinons, les nains (que nous avons aussi nombreux que peu vaillants, hélas…) prennent le relai. Donc, Zébulon trainait les pieds, 10 mn s’étaient écoulées à tourner en soupirant autour de la table sans trouver l’élan
- Bon allez, au lieu de tourner en rond si tu avais commencé tout de suite tu auras déjà terminé.
- Pfffff…mais c’est trop duuuur…
- Mais non, Roudoudou, c’est pas dur, regarde en plus je t’aide, tu vois , j’empile les assiettes.
- Mais c’est dur quand même…
- Hé ho, tu as 9 ans dans 3 mois, dans d’autres pays ils travaillent dans les mines dès l’âge de 6 ans, ou ils tissent des tapis 12h par jour à s’en faire mal aux yeux ou alors ailleurs ils se lèvent à 5h du matin pour fabriquer des briques en terre avant d’aller à l’école , quand ils peuvent y aller (je sais, ami lecteur, c’est mesquin et d’une efficacité non prouvée à ce jour !)
- Pfffff… mais c’est ch … de débarrasser la table.
- (je change de registre pour attiser la motivation) Et moi aussi des fois j’ai pas envie, pourtant je fais à manger tous les jour et je fais les courses et je t’assure que ça aussi c’est très ch. (oui, ami lecteur, je suis contrite, moi aussi parfois je me lâche…), et faire les lessives aussi ça ne m’amuse pas !
Et là, la remarque de la mort qui tue :
- Oui mais toi c’est pas pareil.
Arhg ! Trop facile, toi tu es née super douée, toi tu es née avec un attrait tout spécial pour les tâches domestiques, toi tu es forte, toit tu ne pleures jamais , toi tu ne sais pas ce que c’est la fatigue…
- Comment ça moi c’est pas pareil ?
Et là, retour de bâton alors que j’étais déjà à terre
- Toi t’es une fille, c’est normal.
Ma machoire s’en est décrochée d’un coup.
Une décennie d’éducation qui va de travers, qui n’a servi à rien. Toutes mes convictions bafouées par mon propre fils ! Où est l’erreur ? A quel moment n’ai-je pas vu la direction à prendre ? Ma première réaction a été de lui rétorquer
- Ben tu la débarrasseras tout seul, la table !
Mais heureusement, il m’arrive (rarement mais ça m’arrive ! ) de réfléchir avant de parler. Je me suis alors lancée dans une petite séance à lui expliquer que personne n’a de prédisposition pour les trucs pénibles à faire, tout le monde préfère les activités amusantes et pas fatigantes mais nous vivons tous dans la même maison alors nous participons tous à la vie de la communauté, qu’il n’y avait pas des activités domestiques filles et des trucs de mecs, que moi regarde t’es bien content que je répare ton vélo, et dans la maison, qui est-ce qui fait le repassage ? C’est pas moi, tu vois, c’est en fonction de ce que chacun peut faire, de ce qui l’embête le moins.
Je ne suis pas persuadée que mon discours ait eu l’effet en profondeur attendu. Je verrai bien, à l’usage.
Mais il y a certainement pas mal de ma faute, cette très mauvaise habitude qui consiste à faire à la place parceque ça va plus vite, au lieu de prendre le temps de la pédagogie…
Quand j’ai appris que j’attendais un garçon, la première fois ça a été une grande surprise (je suis d’une famille de filles et là tout d’un coup, qu’une fille fasse un garçon ça m’a laissée perplexe… non non , ne riez pas !) mais j’étais en même temps ravie : quelle meilleure arme pour changer le monde et les mentalités, que d’élever des garçons, puisqu'il est irréfutable que ce sont les mâles qui font le monde ? Les miens allaient être élevés dans l’idée que les filles et les garçons sont égaux, même devoirs, mêmes droits ; que tous les êtres humains sont égaux, blablablabla.
Ils ont voulu des jouets guerriers et bien martiaux, j’ai lutté (mais hélas, des influences extérieures étaient toutes puissantes) pour finir par céder, vaincue. Ils ont voulu des poupées Barbies « pour faire des femmes aux Action man », ils ont voulu de mini-bébés «pour faire des bébés aux Action man et aux Barbies »…Soit. Ils ont eu l'établi du parfait bricoleur en couches-culottes, ils ont voulu apprendre à coudre et à tricoter, ils ont voulu faire du rugby et de la gym au sol… Parfait.
Mais ils ont du affronter des réflexions de membres de leur famille moyennement proche (ceux qui me lisent régulièrement verront à qui je fais allusion !) qui les recadraient bien dans des activités/pensées de leur sexe «les petits garçons ne pleurent pas» (mais si, ça pleure un petit mec, même un grand…), « ne joue pas avec la poupée de ta cousine, tu as tes voitures», «les petits garçons ne font pas tout le temps des bisous à leur maman» (alors ça c’est ce qu’on va voir !), sous LA menace supposée me faire frémir «vous allez en faire des homosexuels».
Puis ils sont allés à l’école, la maigre influence que j’avais pu avoir sur eux s’est diluée rapidement dans le vaste monde. Et quand j’entends mes ados/pré-ado parler aujourd’hui, («y a une fille dans ma classe tu verrais comme elle est bonne !»), je soupire un bon coup, je les reprends en espérant sincèrement qu’ils n’auront pas entre eux les conversations que j’entends parfois dans les cours de lycées, qu’ils respecteront leur(s) partenaire(s) , qu’ils seront des papas présents dans l’éducation de leurs enfants et qu’ils ne reproduiront pas le schéma séculaire de l’homme à la zapette télé et la femme au tablier dans la cuisine…
Mes dernières illusions sont tombées, se sont effondrées , devrais-je dire, la semaine dernière avec une remarque de mon Zébulon de 8 ans. A tour de rôle ils mettent la table, débarrassent le lave-vaisselle et la table après le repas. Chéri et moi cuisinons, les nains (que nous avons aussi nombreux que peu vaillants, hélas…) prennent le relai. Donc, Zébulon trainait les pieds, 10 mn s’étaient écoulées à tourner en soupirant autour de la table sans trouver l’élan
- Bon allez, au lieu de tourner en rond si tu avais commencé tout de suite tu auras déjà terminé.
- Pfffff…mais c’est trop duuuur…
- Mais c’est dur quand même…
- Pfffff… mais c’est ch … de débarrasser la table.
Et là, la remarque de la mort qui tue :
- Toi t’es une fille, c’est normal.
Une décennie d’éducation qui va de travers, qui n’a servi à rien. Toutes mes convictions bafouées par mon propre fils ! Où est l’erreur ? A quel moment n’ai-je pas vu la direction à prendre ? Ma première réaction a été de lui rétorquer
- Ben tu la débarrasseras tout seul, la table !
Mais heureusement, il m’arrive (rarement mais ça m’arrive ! ) de réfléchir avant de parler. Je me suis alors lancée dans une petite séance à lui expliquer que personne n’a de prédisposition pour les trucs pénibles à faire, tout le monde préfère les activités amusantes et pas fatigantes mais nous vivons tous dans la même maison alors nous participons tous à la vie de la communauté, qu’il n’y avait pas des activités domestiques filles et des trucs de mecs, que moi regarde t’es bien content que je répare ton vélo, et dans la maison, qui est-ce qui fait le repassage ? C’est pas moi, tu vois, c’est en fonction de ce que chacun peut faire, de ce qui l’embête le moins.
Je ne suis pas persuadée que mon discours ait eu l’effet en profondeur attendu. Je verrai bien, à l’usage.
Mais il y a certainement pas mal de ma faute, cette très mauvaise habitude qui consiste à faire à la place parceque ça va plus vite, au lieu de prendre le temps de la pédagogie…
Libellés : Mes poussins
4 Comments:
Dur, en effet, je ne sais pas comment je réagirais (avec rage, sans doûte)... Pour te consoler, c'est la preuve qu'ils ont leur individualité, ces petits (piètre consolation, je sais bien...)
Il ne le pensait peut-être pas vraiment? Mais il savait que ça te toucherait...
Isadora : je ne suis pas sûre que ça me rassure que mon poussin ait cette individualité-là, mais ça prouve au moins qu'il arrive à se défaire de mon emprise, on dira ça !
Lili du ciel : j'espère qu'il ne le pensait pas, mais c'est sorti tellement spontannément et avec un tel sérieux que ça m'a fait frémir ! Bon, de la même façon qu'il certifiait l'année dernière que les filles ont les cheveux longs et les garçons les cheveux courts, alors que sa propre mère a 2 cm de cheveux sur la tête et qu'il vit avec un adulte mâle et un frère aux cheveux longs ;-) !
les enfants d'un certain âge sont très conformistes (besoin de se rassurer en pensant/parlant comme les petits camarades du même sexe), et on ne peut espérer que tes enseignements portent leurs fruits que plus tard, quand ils n'auront plus la crainte qu'on se moque d'eux.
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