The show must go on...
Quand Sœur Anne en a parlé, j’avais déjà l’idée en tête d’un billet sur les usagers de la route, mes co-routiers de tous les jours. Et puis un billet en entraînant un autre, l’idée est restée de coté. Mais aujourd’hui le sujet s’impose brutalement à moi.
Depuis plus de quatre ans, j’emprunte tous les jours la jolie route qui serpente à travers les vignes, une petite départementale étroite mais pas si confidentielle que cela, qui longe l’autoroute sur dix kilomètres entre les massifs des Bauges et de la Chartreuse, nous fait économiser 1,65 euros par trajet. La petite route tournicote, entre vignobles de Savoie et chevaux qui paissent ; des juments et leur petit qu'on voit pousser au fil des jours, des ânes, des vaches qui sortent la tête de leur champ, de l'autre coté des barbelés, pour brouter l’herbe du bas-côté, certainement plus goûteuse. Il est même arrivé de voir des daims, transplantés temporairement par un propriétaire à la grande demeure toute proche. Des renards et des lièvres, souvent. A chaque début de printemps un héron, toujours au même endroit, annonce à l’automobiliste un peu observateur que l’hiver s’achève.
Et tous les matins je m’emplie de ce paysage, de sa quiétude, de cet apaisement que me procure la montagne. Je suis fille de la roche comme d'autres sont filles de la mer. Sous ses allures débonnaires, cette petite route de campagne est impitoyable pour qui la prend pour autre chose que ce qu’elle est.
Toutes les années, des drames s'y étalent. Plusieurs fois par an, dans la précipitation du matin, l’automobiliste oublie que ce n’est qu’une petite route de campagne ; alors les pneus crissent, les tôles se froissent, les pieds de vignes se brisent, la terre se ravine… dans le meilleur des cas. Je ne vais pas me lancer dans l’énumération morbide de ce que j’y ai vu en quatre années… les marques à la peinture orange sur le bitume témoignent des différents points d’impact, ou des points de chute. Hier mon sang encore une fois n’a fait qu’un tour lorsque j’ai déposé mon lapin chez sa nounou et que j’ai entendu le concert des sirènes… il en vient rarement, sur cette petite route de campagne, sauf quand… En passant, j'ai aperçu les ambulances, les voitures de gendarmerie, les camions de pompiers. Je les ai vu s'affairer...
Hier matin, un garçon de seize ans y a perdu la vie, en scooter, percuté par un motard trop pressé… Il était du village qui jouxte le notre, celui dont nous venons de déménager mais où il nous reste nos habitudes et nos amis, celui où mes enfants vont encore à l’école, où ils y ont tous leurs copains, d’où mes collégiens prennent le car de ramassage. Mon fils le connaissait, il prenait le car avec lui l’an dernier. «Il était trop sympa, il était super gentil», m'a-t-il dit dans la voiture. Et puis il a appuyé sur ses yeux avec la partie charnue de ses paumes, il a gardé le visage tourné vers la fenêtre tout le temps de trajet de retour à la maison, hermétique et le regard fixe. J’ai vu sa mâchoire se crisper. Tough guy. «Il est venu nous dire bonjour samedi à la récré, il est passé chercher son brevet. En fait c’était la dernière fois que je lui serrais la main et je ne le savais pas.» Tu vois, mon poussin, je ne veux pas t’acheter de scooter, ce n’est pas que je n’ai pas confiance en toi… «ben alors t’as qu’à m’acheter une mobylette… naaaaan, j’rigoooooole… » Arrivés à la maison, il m’a laissé le prendre dans mes bras, respirer à fond, le nez dans ses cheveux, il a même posé sa tête sur mon épaule quelques secondes (oui, il devient plus grand que moi…) oui maman, ça va.
Plus tard dans la soirée, en montant faire un bisou à chacun des poussins de ma nichée endormie, mon cœur s’est douloureusement serré. Comme il s’était serré lorsqu’au retour en fin d’après-midi je suis repassée, en ralentissant fortement comme par respect, sur les flaques de sable étalées sur l’asphalte. Bien maigres témoins.
Le mois dernier, la fille de ma meilleure amie perdait un camarade de collège, fauché à vélo par un chauffard ivre, quelque part dans le Ternois… il y a six mois, ma belle-fille perdait trois camarades de lycée qui venaient d’étrenner leur permis tout neuf un après-midi après les cours. Et il y a tous les autres, tous les jours, partout, qui se donnent l’illusion de l’immortalité dès lors qu’ils manient une automobile. Ou une moto. Plus de 5 000 personnes chaque année en France dont la mort ne doit rien à la fatalité.
Non, décidemment mon poussin, s’il était besoin de le redire, tu n’auras pas de scooter. Et tant qu’on y est, je vais ranger ton vélo. Et ton skate board. Et te garder bien au chaud à l’abris dans la maison, tu n’en sortiras plus.
Comment ça c’est pas possible ?
Absente ce week end, pas de surfbloging pour moi. Je viens de me décider à aller enfin voir ma grand-mère de 93 ans qui se termine par à-coups, d’AVC en accident vasculaire cérébral, dans une maison de retraite quelque part à l’ombre des oliviers.
Before it’s too late
Accessoirement , c’est ma fête aujourd’hui. Très accessoirement…
Depuis plus de quatre ans, j’emprunte tous les jours la jolie route qui serpente à travers les vignes, une petite départementale étroite mais pas si confidentielle que cela, qui longe l’autoroute sur dix kilomètres entre les massifs des Bauges et de la Chartreuse, nous fait économiser 1,65 euros par trajet. La petite route tournicote, entre vignobles de Savoie et chevaux qui paissent ; des juments et leur petit qu'on voit pousser au fil des jours, des ânes, des vaches qui sortent la tête de leur champ, de l'autre coté des barbelés, pour brouter l’herbe du bas-côté, certainement plus goûteuse. Il est même arrivé de voir des daims, transplantés temporairement par un propriétaire à la grande demeure toute proche. Des renards et des lièvres, souvent. A chaque début de printemps un héron, toujours au même endroit, annonce à l’automobiliste un peu observateur que l’hiver s’achève.
Et tous les matins je m’emplie de ce paysage, de sa quiétude, de cet apaisement que me procure la montagne. Je suis fille de la roche comme d'autres sont filles de la mer. Sous ses allures débonnaires, cette petite route de campagne est impitoyable pour qui la prend pour autre chose que ce qu’elle est.
Toutes les années, des drames s'y étalent. Plusieurs fois par an, dans la précipitation du matin, l’automobiliste oublie que ce n’est qu’une petite route de campagne ; alors les pneus crissent, les tôles se froissent, les pieds de vignes se brisent, la terre se ravine… dans le meilleur des cas. Je ne vais pas me lancer dans l’énumération morbide de ce que j’y ai vu en quatre années… les marques à la peinture orange sur le bitume témoignent des différents points d’impact, ou des points de chute. Hier mon sang encore une fois n’a fait qu’un tour lorsque j’ai déposé mon lapin chez sa nounou et que j’ai entendu le concert des sirènes… il en vient rarement, sur cette petite route de campagne, sauf quand… En passant, j'ai aperçu les ambulances, les voitures de gendarmerie, les camions de pompiers. Je les ai vu s'affairer...
Hier matin, un garçon de seize ans y a perdu la vie, en scooter, percuté par un motard trop pressé… Il était du village qui jouxte le notre, celui dont nous venons de déménager mais où il nous reste nos habitudes et nos amis, celui où mes enfants vont encore à l’école, où ils y ont tous leurs copains, d’où mes collégiens prennent le car de ramassage. Mon fils le connaissait, il prenait le car avec lui l’an dernier. «Il était trop sympa, il était super gentil», m'a-t-il dit dans la voiture. Et puis il a appuyé sur ses yeux avec la partie charnue de ses paumes, il a gardé le visage tourné vers la fenêtre tout le temps de trajet de retour à la maison, hermétique et le regard fixe. J’ai vu sa mâchoire se crisper. Tough guy. «Il est venu nous dire bonjour samedi à la récré, il est passé chercher son brevet. En fait c’était la dernière fois que je lui serrais la main et je ne le savais pas.» Tu vois, mon poussin, je ne veux pas t’acheter de scooter, ce n’est pas que je n’ai pas confiance en toi… «ben alors t’as qu’à m’acheter une mobylette… naaaaan, j’rigoooooole… » Arrivés à la maison, il m’a laissé le prendre dans mes bras, respirer à fond, le nez dans ses cheveux, il a même posé sa tête sur mon épaule quelques secondes (oui, il devient plus grand que moi…) oui maman, ça va.
Plus tard dans la soirée, en montant faire un bisou à chacun des poussins de ma nichée endormie, mon cœur s’est douloureusement serré. Comme il s’était serré lorsqu’au retour en fin d’après-midi je suis repassée, en ralentissant fortement comme par respect, sur les flaques de sable étalées sur l’asphalte. Bien maigres témoins.
Le mois dernier, la fille de ma meilleure amie perdait un camarade de collège, fauché à vélo par un chauffard ivre, quelque part dans le Ternois… il y a six mois, ma belle-fille perdait trois camarades de lycée qui venaient d’étrenner leur permis tout neuf un après-midi après les cours. Et il y a tous les autres, tous les jours, partout, qui se donnent l’illusion de l’immortalité dès lors qu’ils manient une automobile. Ou une moto. Plus de 5 000 personnes chaque année en France dont la mort ne doit rien à la fatalité.
Non, décidemment mon poussin, s’il était besoin de le redire, tu n’auras pas de scooter. Et tant qu’on y est, je vais ranger ton vélo. Et ton skate board. Et te garder bien au chaud à l’abris dans la maison, tu n’en sortiras plus.
Comment ça c’est pas possible ?
Absente ce week end, pas de surfbloging pour moi. Je viens de me décider à aller enfin voir ma grand-mère de 93 ans qui se termine par à-coups, d’AVC en accident vasculaire cérébral, dans une maison de retraite quelque part à l’ombre des oliviers.
Before it’s too late
Accessoirement , c’est ma fête aujourd’hui. Très accessoirement…
Libellés : L'aventure du quotidien
18 Comments:
Pas de commentaire qui soit à la hauteur, je crois. Ton billet me touche, à cause d'une autre petite route que je connais bien et sur laquelle j'ai laissé tant de parts de moi-même, vagues connaissances et/ou ami-e-s si chères... Alors, d'abord une pensée pour eux à te lire. Merci.
(et bonne fête)
* Anitta... :-(( Et c'est toujours tellement... évitable que ça en est injuste et inacceptable.
* DM, oui, 4 et non 3 comme je l'ai dit. Je parlais bien des élèves du lycée de Pontcharra où est ma belle-fille. Très très dur pour les élèves. Hier, un bus de ramassage scolaire plein d'élèves a été le témoin, juste à ses roues...c'était des camarades du jeune ado...
Il est malheureux de constater que certains se croient invulnérables dés qu'ils sont au volant de leur voiture ou moto. J'ai appris aujourd'hui qu'un de mes collègues (la ou j'étais avant) est mort à cause de l'inattention d'un chauffeur de camion. Il était en scooter.
FD je te comprends quand tu dis que tu n'en veux pas pour ton fils et franchement mon Troll est encore jeune mais je n'en voudrais pas lui non plus.
Doublemum :
Dans le véhicule d'Allevard se trouvait la cousine de ma petite voisine.
La Troll Family
Un de mes voisins est décédé dans les mêmes circonstances pas plus tard que la semaine dernière ...
Il était jeune marié et venait d'avoir un bébé.
Je suis révoltée de voir ces familles décimées simplement parce que des inconscients se prennent régulièrement pour Schumacher
oups j'oubliais ... alors c'est la saint FD aujourd'hui ... enfin jusque minuit, donc je ne suis pas en retard pour te souhaiter bonne Fête
Bises
Ah oui boooooooooonnnnnnnnnnneeeeeeuuuuuuu fêteeeeeeeeeeeeeeeeeuuuuuuuuuuuuuuu
La Troll Family
C'est une des raisons pour lesquelles j'ai remisé la voiture: j'ai plus de possibilités de tuer ou blesser mes enfants en voiture qu'en train... Je hais les voitures!
Bonne fête à toi... profite de ta grand-mère...
Bonne fête et je reviens tout à l'heure pour la lecture.
Voilà j'ai rattrapé mon retard, toujours aussi intense la lecture ici. quant à moi impossible depuis hier d'accéder à mon blog.
Perdre un enfant peu importe les circonstances est toujours un drame, une abomination, j'y pense qq fois et puis j'arrête, trop insupportable !
J'ai perdu un cousin, et des amis ... parce qu'ils étaient jeunes et fou, et parce d'autres buvaient ...
Comment passer au dessus de la douleur et ne pas avoir peur en voiture ?
Euh ... tu as posté sous ta véritable identité chez moi, tu veux que j'enlève le comm ou tu t'en moques !
Bises et bon début de semaine
Euh, chuis mal démarrée aujourd'hui ! ouais, merci de m'enlever ma vraie identité (dit comme ça ça fait bizarre !! ) je sais pas ce que j'ai fichu ! Bonne semaine à toi aussi (c'est trop trop court les WE !)
Je ne sais pas trop quoi dire, puisque j'ai déjà exprimé mon point de vue, et que tu as eu la gentillesse de me mettre en lien, mais je repense à des amis morts trop tôt, dont un qui revenait de la maternité, où sa fille venait de naître : Orpheline, le jour de sa naissance...
Et tu me confirmes ce que j'ai toujours pensé : Quand ils auront l'âge, jamais, ils n'auront de scooter (ou mob)
A part ça, je suis en retard, mais bonne fête...et j'espère que ta visite à ta grand-mère s'est bien passée.
ok je copie colle quand meme ton comm, parce que hein !!!
Merci les filles pour m'avoir souhaité ma fête, mon homme n'y a pensé qu'après avoir vos commentaires !! c'est pas que j'y tienne particulièrement mais ..!
*Lilibergerette, profiter de ma grand-mère est un bien grand mot, j'ai eu de la chance, hier elle m'a reconnue...elle m'a demandé si ma fille ressemblait à ma 1ère fille... mais je n'ai qu'une fille :-(
* DM : les dégats collatéraux sont très étendus et ça touche beaucoup de monde, comme une trainée de poudre dans la campagne.
* Bérangère, n'y pensons pas trop...
* Khey, on ne passe pas sur la douleur, on la dompte, c'est tout. Au mieux.
* Soeur Anne, merci, même en retard, je prends ! pas de scooter et que non plus ils ne montent pas sur celui des copains ni ne leur empruntent... je suis prète à faire le taxi nuit et jour pour eux, sans rechigner jamais. En espérant que cela suffise...
Si,si... je blogue toujours. Y a juste que j'ai fait un peu de rangement. En ce moment, je range beaucoup...
J'espère que tu as fait de gros bisous à ta grand-mère. A bientôt.
A pieds ton fils et sans rouspétance. Malheureusement c'est tous les jours que l'on a connaissance de tels drames.
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