jeudi, mars 08, 2007

Dégâts collatéraux

Un reste d'histoire d'ELLE...








de ci




Un petit bonhomme câlin. Très câlin. Un petit bonhomme arrivé là un peu par hasard , en troisième position , en plein désert. Un petit bonhomme-bouée, bonhomme-radeau, un sauveur bien malgré lui. Et petit bonhomme porteur de cailloux trop lourds pour lui.



Zébulon est effectivement né en pleine tourmente psychologique maternelle. Tempête cachée. Sourde. Muette, plutôt. Zébulon a poussé à l’ombre de ses frères guère plus âgés. Un paquet de bébés regroupés pour se tenir chaud au cœur, quatre toutes petites années pour se fabriquer sa garde rapprochée, ses troupes fidèles, quatre années pour s’ancrer à la vie. Se construire une excellente raison d’être là. Elle a fait tout ça. Elle a construit, brique après brique, pierre après pierre, un bel édifice. Admirable équilibriste.



Avec les mois, Zébulon poussait tranquillement, bébé chouchouté, câliné en plein cœur de la désespérance maternelle. Bébé agité, jamais muet, sans cesse mobile. Avec une frénésie inquiétante. Ou du moins, qui aurait du inquiéter. Mon Zébulon. Et puis un jour, tout seul, à quatre ans, il a décidé que cela suffisait. Qu’il n’était dupe de rien. Qu’il n’était pas à la bonne place. Que quelque chose clochait. Que le cœur maternel n’y était pas. Alors que ses frères disaient des choses comme «des fois je voudrais m’endormir et ne plus me réveiller », ou bien «à quoi ça sert de vivre ?», lui, usant du seul pouvoir (mais ô combien puissant…) dont il disposait, s’est remis à salir ses slips. Et à ne plus aller aux toilettes. A se retenir. A s’en gonfler comme un baudruche. A garder pour lui cette « offrande à la mère », comme disent les livres. Dangereusement. A s’en faire souffrir. A en inquiéter son entourage. A frôler l’occlusion intestinale. Chantage.



Au fil des semaines, Elle coulait un peu plus profond dans le bain de la culpabilité. Mon fils, mon poussin, ma vie. Au fil des semaines, elle usait à nouveau de la même patience qui avait servi à l’apprentissage de la propreté. Et elle jettait les slips souillés. Inlassablement. Jusqu’à ce qu’une hypothèse médicale finisse par se transformer en verdict. En-co-pré-sie. Considéré par la psychiatrie comme un «trouble mental à expression somatique».



Six mois plus tard à peine, l’histoire d’Elle explosait, l’histoire de son couple, de cette jolie-petite-famille-parfaite dont-le-bonheur-faisait-plaisir-à-voir. Elle a fait voler Le Grand Mensonge en éclat et Zébulon s’est ainsi installé dans la contestation.





de


Avec le temps, les bousculades de la vie se tassent, elle (re)prend un cours normal, Zébulon se voit offrir une fratrie élargie, (souvent) bienveillante à son égard, il se voit offrir un nouveau «père de référence», fiable, solide… Il a le soutien suivi compétent de ce que lui offre l’école comme psychologue scolaire et ré-éducateurs, comme enseignants tour à tour dévoués, patients et démunis. En lien avec le psychologue en ville. Chacun y a essayé ses recettes. En vain. Il n'entre dans aucune catégorie. Aucune case pré-existente du système n'est adaptée à son cas..



La perplexité est immense. Plus de quatre années à chercher la clé d’entrée en lui. Près de cinq années à tester toutes les serrures, sans forcer jamais. En vain. Combien d’années de culpabilité maternelle ? Combien de discours culpabilisateurs ? Comment ne pas être si proche de lui, «trop» proche alors qu'il fallait le protéger, en compensant l’absence d’image du père ? Combien de personnes à son chevet, à tenter de réparer le mal fait par si peu de gens ?



Au fil des années, les enfants encoprétiques se désocialisent, s’enferment dans leur singularité, finissent par s’y complaire, par s’assimiler à ce qu’ils retiennent dans leurs intestins. Finissent par se dénigrer tellement que les apprentissages scolaires sont souvent compromis. Ils finissent par se déprécier tellement que la carapace se fait plus dure. D’autant plus que l’auto-victimisation appelle les moqueries des autres enfants. Les fourberies de fond de classe, de fond de cour, de rangs serrés. La dépression guette, tapie dans l’ombre. Pour peu que l’enfant, testé dans une belle volonté générale de trouver enfin une explication, soit déclaré «EIP », enfant précoce. Mais cela ne change rien à l’affaire. Rien du tout. Voire la complique. Zébulon n’est pas «dans le métier d’élève», parait-il. En clair, ça veut dire qu’il ne se fait pas au «groupe-classe». Zébulon a donné à sa mère des envies d’école à la maison. Des envies très fortes. Mais utopiques. Alors Zébulon fera avec ce qu'il y a ...



Des rémissions parfois. Trop rares. Des tendances «au mieux», dirons-nous. En attendant de trouver la clé, un jour. Il parait que ça se débloque souvent tout seul, à l’entrée dans l’âge adulte au plus tard. Zébulon engrange des connaissances, engloutit ses amis les livres comme d’autres font de la boulimie alimentaire. Mais lui garde tout, toutes ses connaissances, tout ce qu’il lit tout seul dans son lit-alcôve le soir, ses dictionnaires, ses encyclopédies… mais ni ses tables de multiplications ni ses conjugaisons.



Aujourd’hui, Zébulon s’épanouit doucement, il se laisse apprivoiser en gardant les yeux grands ouverts sur le monde. Là mais à coté. Présent et absent à la fois. Un enfant de neuf ans pour le moins singulier, solitaire et très attachant. Très fragile. Trop. Qui sait comment il vivra sa vie d’adulte… son adolescence donnera peut être quelques pistes. En tous cas, l’étayage est là.



Zébulon, mon poussin, mon Roudoudou d’amour, je te demande pardon pour tout ça…



Merci à tous ceux qui... surtout à mon Doux et à ses enfants d'en avoir fait votre frère, votre fils...





Libellés : ,

17 Comments:

Anonymous Anonyme said...

C'est beau, touchant, superbement écrit, un cri d'amour qui m'a fait venir la boule au fond de la gorge ... mais ça veut dire que tes mots sont justes et que l'émotion est là.

J'espère que vous trouverez la clef...

8/3/07 16:30  
Anonymous Anonyme said...

oh la la dis donc...tu C que tu m'as fait venir les larmes zaux yeux...d'autant plus que moi aussi j'ai une zébulone...pas la même pathologie mais une "différente". Je t'embrasse très fort, ça n'arrangera rien mais ça nous fera du bien...bises !

8/3/07 17:47  
Blogger FD-Labaroline said...

* Mzelle Maupin, j'espère que la clé sera trouvée, par nous, ou quelqu'un d'autre, ou que lui se décide à... le jour où il se sentira suffisamment fort.

* Ma Béné, tes visites et tes commentaires me font toujours très plaisir... même si encore une fois je te fais ramasser mes cailloux alors que tu as déjà les tiens...

8/3/07 18:09  
Anonymous Anonyme said...

Avec une maman pareille, Zébulon ne pouvait que rencontrer la vie.

8/3/07 18:57  
Anonymous Anonyme said...

Ce s'rait vraiment trop beau si cees p'tits bouts étaient livrés avec le mode d'emploi !
Courage à vous tous

8/3/07 19:22  
Blogger Dam said...

pas le temps ce matin de lire , mais je reviendrais car les quelques mots saisis par l'oeil du matin prévallent de belles lectures du soir

9/3/07 06:31  
Anonymous Anonyme said...

Très touchante histoire, fort bien écrite (comme toujours). Me rappelle mes difficultés avec ma "zébulone" à moi (même si chaque cas est différent dans sa manifestation ou dans les causes.)Je te remercie pour les commentaires que tu laisses chez moi.

9/3/07 19:04  
Anonymous Anonyme said...

Juste un coucou, je reviens lire dès que j'ai rangé un peu le bazar.

10/3/07 08:23  
Anonymous Anonyme said...

tu vas la trouver la clé et ton Zébulon aussi, avec une pareille maman il ne peut que s'ouvrir à toi et aux autres.

10/3/07 17:29  
Anonymous Anonyme said...

Il va y arriver Zébulon, mais il faut reconnaître que la mule est bien chargée.
Sa mère se sent coupable. Il est vrai que toutes les mères se sentent coupables. Elles ont tort, elles ont besoin d'aide, elles aussi, n'est ce pas ?
FD tu es une mère formidable. De Zébulon, vous allez trouver le déclic, un jour.
Je t'embrasse;

12/3/07 12:26  
Anonymous Anonyme said...

Je passe te faire un bisou. Même plusieurs.
Merci d'être passée comme tu l'as fait chez moi.

13/3/07 09:04  
Anonymous Anonyme said...

Magnifique écriture comme d'habitude mais que de culpabilité maternelle.

Il nous en faut si peu parfois pour se sentir responsable du plus petit de leurs maux.

Comme le dit M'am Troll, ca serait trop simple vois tu que nos enfants nous soient livrés avec le mode d'emploi ... nous passons notre temps à essayer de comprendre pourquoi ils réagissent comme ça, pourquoi il ne s'intègrent pas de le shéma préétabli par l'éducation nationale ou par l'extérieur.

Je me rappelle avoir demandé un jour à mon fils :
tu travailles bien à l'école mais pourquoi tu ne participes pas plus en classe (les pédospsy parlaient d'angoisse quand il sortait de sa "bulle" et de ses bouquins)

Sa réponse : je ne parlais pas parce que je n'avais rien à dire, quand le sujet m'interesse je réponds sinon je me tais !
Et quand je sais déja ce que la maitresse m'apprend et bien je me tais aussi !

Comme quoi hein, les raisons peuvent être diverses et on y est pas toujours pour quelque chose ...

Alors on cesse de culpabiliser hein, ton petit zébulon est entouré d'amour c'est ce qui compte non !

Bisous

13/3/07 13:49  
Anonymous Anonyme said...

Le commentaire de tite me fait penser à un de mes fils qui inquiétait tout le monde car il ne parlait pas.
il a attendu d'être prêt, a parlé tard, mais direct en phrases complètes.
A l'école, toujours isolé,il s'y sentait mal, et souvent le soir, me disait que son instit s'était trompée.
C'est maintenant et depuis un bon moment le surdoué de la famille.

Je me suis toujours battue, pour dire aux autres, laissez lui le temps, il y arrivera, mais seul, il est indépendant.

Vous savez qu'Einstein n'a pas dit un mot avant l'âge de 5 ans ?
Il était considéré comme un arriéré mental.
pfffffffffff

14/3/07 13:19  
Blogger Bellzouzou said...

je lis toujours silencieusement, je ne sais jamais quoi dire, et puis j'y repense, j'y reviens, je relis.
Je t'embrasse, simplement.

14/3/07 22:01  
Blogger FD-Labaroline said...

* Zaboo, j'espère qu'il ira mieux, de mieux en mieux... mais hélas JE ne suis pas la seule responsable de son équilibre... dommage !

* Tannette, difficile et douloureux de voir souffrir nos enfants et d'être incapable de les aider, de porter leur peine... c'est ce qui me chagrine le plus. je ne m'y fais pas.

* Mab, si seulement, mais c'est long, selon mes criètes. Il faut que lui aussi ait envie de trouver la clé pour sortir de lui-même...

* Soeur Anne, ah la culpabilité des mères... deux mille ans de civilisation pour en arriver là... au même point. C'est atavique, faut croire.

* Tite, on n'est pas dans leur tête, on ne peut comprendre que ce qu'ils veulent bien laisser sortir, on les juge selon nos crières ànous alors qu'on devrait finalement plus les laisser aller à leur rythme... en théorie. En pratique c'est moins facile à vivre, quand ils sont supposés être comme ci et comme ça à tel âge parceque les lirves savants l'ont dit.

* Zaboo, il y a ce qu'on sait d'une part, et ce qu'on est prêt à accepter de nos propres enfants d'autre part. Peut être qu'on s'inquiète trop, qu'on les soumet trop et trop tôt à la concurrence de notre société, à la pression de notre vie d'adulte.

* Bellzouzou, vient-en, vient-en donc, même sans rien dire. Comme moi je fais chez toi :-) Les visites muettes ou presque !

15/3/07 10:22  
Anonymous Anonyme said...

Oui, tu as raison , il y a cette pression de notre société et des "normes", en plus de cette culpabilité séculaire, notre monde contemporain, nous en colle une deuxième couche.
Il n'y a rien de plus difficile que d'être maman.

15/3/07 12:05  
Anonymous Anonyme said...

coucou, si on ne se voit pas avant samedi (là je ne prends pas de garnds risues) je te souhaite un super WE à toi, ton chéri et tous tes zébulons...

16/3/07 10:25  

Enregistrer un commentaire

<< Home