Ma vie est un enfer...
Parfois la vie d’itinérant de l’EducNat est dure. Très dure. Ballottée au gré des remplacements, au pied levé le petit doigt sur la couture de la jupe. Ainsi, je suis contrainte d’admirer deux matins par semaine le lever du soleil sur le massif de la Lauzière. Je suis obligée deux jours par semaine de m’adapter à une équipe de collègues qui, en bons montagnards chaleureux, s'attribuent mes faveurs en déballant à chaque récréation diverses pâtisseries, chocolats et molles douceurs. Sans parler des fromages locaux humectés du jaja blanc issu des vignes pentues. Voire parfois de la poire maison du prof de maths… poire qui n’a du subir qu'un seul passage à l’alambic familial et qui doit bien titrer aux environs des 70°… Au moins.
Bien sûr, ma maman m’ayant appris la politesse, je ne refuse jamais un plat, surtout lorsqu’il vient du cœur préparé par un ami. La main qui me nourrit est toujours mon amie, je suis un animal facile à apprivoiser, sachez-le. Je gonfle à vue d’œil depuis septembre et je renonce doucement à la gracieuse (et gracile) silhouette qui faisait les beaux jours de ma jeunesse enfuie. Pour l’instant peu me chaut, car comme les phoques, l’hiver je fais du gras pour me tenir douillet (il sera grand temps de pleurer en Avril ma ligne perdue…)
Parfois, la rançon de la gloire (ou la pénurie de remplaçants…) fait que mon Grand Manitou me propose 3 remplacements… t’as plus qu’à choiz’… Et j’ai choiz’. Je complète depuis peu ma semaine dans un établissement qui pour moi est une vraie torture (pincez-moi, je rêve…)… un Lycée Hôtelier.
Oui, c’est une véritable torture. Parce que tous les jours je dois recevoir et dépouiller (entendez lire en diagonal, sélectionner les articles, les enregistrer, les résumer, trouver des mots-clés… bref, être intime avec) des magazines qui en feraient frémir plus d’un(e) ; Le Journal du Pâtissier ; Thuriès Gastronomie ; Saveurs ; sans parler des quelques 800 ouvrages de cuisine d’ici et d’ailleurs, de décors de table et de constructions artistiques dans l’assiette. Tous ces ouvrages qui me narguent à grand renfort de photos pleine page couleur sur papier glacé épais. Ce sont les recettes du 7è ciel, ce gâteau aux mousses de 7 chocolats, l’Ambroisie à la ganache framboise ou le tartare de bœuf, huîtres Gillardeau et artichauts marinés au raifort qui me tentent leurs rondeurs. Je suis en état d’hypersalivation permanent ! Si je m'écoutais, j'étalerais tous ces livres sur le parquet blond et je me roulerais dedans ventre à l'air, comme mes minettes dans leur parterre d'herbe à chat. Je n'aurais jamais assez de toute une vie pour compulser tout ça, même sans dormir si je me faisais enfermer dans le CDI !
Lorsque, à force de concentration intense et de professionnalisme forcené, j’arrive enfin à me bloquer sans états d’âme sur mon boulot, (faisant fi de ces pages qui m'appellent en bruissant silencieusement, en agitant leurs bras invisibles et en glissant sournoisement leurs recettes dans mon imagination faiblette,) c’est une demi-classe qui vient travailler avec son professeur, à élaborer les menus de l’un des trois restaurants d’application. Pendant deux heures. Toujours de 10h à midi. Autant vous dire qu’à partir de 10h30 je commence à me tortiller douloureusement sur ma chaise, je tourne et je vire dans le CDI, j’essaie de me protéger de leurs conversations…
Ce matin, «à l’insu de mon plein gré», j’ai appris ce que voulait dire habiller un poulet. J’ai appris comment parer un poulet pour le poulet cocotte façon grand-mère (il faut lui couper les doigts et ne lui en garder qu’un par patte et lui coincer les pattes retroussées derrière les oreilles, ça donne ça… je le fais bien, hein, le poulet cocotte- au premier qui dit "surtout la cocotte", GARE ! ).
Tu le savais toi, que les pommes grand-mère elles étaient d’abords blanchies, puis sautées et finies au four ?!
« Découper le feuilletage, barder 18-15 cm, monter les bords, cuire au four à 180 à 200° 15 mn ; pendant ce temps préparer la crème pâtissière (blanchir les jaunes avec le sucre, ajouter la farine, verser le lait bouillant, faire réduire la crème en remuant) Monter la tarte, la crème pâtissière à la poche ; disposer les fruits de façon harmonieuse, napper (votre commis aura fait chauffer le nappage abricot) et dressez. Réfrigérez. Vous pouvez vous occuper maintenant de glacer les grelots à brun avant d'y rajouter les légumes en brunoise. N'oubliez pas de débrider le poulet avant de servir en salle et dressez les légumes autour. »
Et là il est midi, je n'ai plus qu'à aller choisir entre le repas au self ou à la salle du Château dont les plafonds à la françaises abritent un restaurant d'application.
Le soir, en repartant, ultime épreuve après tant d'émotions, je vais récupérer ma voiture garée juste en face d'une excellente pâtisserie. Je résiste vaillamment à l'appel du gouter (du Florentin, du Succès et autre truc à se damner mais toujours pratique à manger en conduisant, c'est-à-dire à "émiettabilité" réduite).
Plaignez-moi, les gens !
Message perso : désolée copine C. , je serais volontiers venue faire le remplacement chez vous et bosser à nouveau avec toi mais... bon, tu comprends...
17 Comments:
Je me trompe ou tu es par chez moi ?! A la Grande Ville ?!!!!!
Je suis à 1-8 de mon écrit d'agreg, mais on peut peut-être arriver à trouver un petit temps pour se voir.... ???
ah mais il vaut mieux faire envie que pitié !Alors, en plus des capitons pour l'hiver, engrange plein de connaissances de ce remplacement en lycée hôtelier , ça peut toujours servir...
Je te plains, oh là là, oui, combien je te plains! :-D
(surtout avec l'histoire du poulet, pauvre bête!)
et je te bise en passant, aussi
Et si, en plus, il te prend l'envie d'essayer de réaliser chez toi toutes ces bonnes recettes pour régaler ta maisonnée....
Je compatis et me demande bien quels sont ces 7 chocolats?
Je te plains, FD, je te plains... Si tu savais à quel point.
Et je rejoins Mab sur son questionnement métaphysique : Quels sont ces 7 chocolats ?
N'empêche, tu pourrais préparer une recette pour tes accueillants montagnards, non ?
Pour une fois que tu es dans un endroit où tu peux te faire plaisir, moi je ne te plains pas, j'en suis même ravie.
Et d'ici cet été tu pourras reprendre ton poids d'avant, car quand tu dis que tu gonfles à vue d'oeil, je ne suis pas sûre que ça se voie tant que ça.
Allez c'est pas grave, tu vas devenir en plus d'une excellente cosméticienne, un cordon bleu.^_^
Arrrffff mais quel calvaire ... même sans gouter je prendrai du poids rien qu'en salivant devant tout cela
Je compatis ... sincèrement ;o)
Bon courage alors
Bises
Tout cela est joyeux échange de bons procédés...
La nourriture du corps c'est eux...
La nourriture de l'esprit...c'est toi !
Oui je te plains...Perso je travaille au sein d'un établissement de disciplines techniques...C'est franchement moins glamour.
C'est terrible ! je viens de déjeuner et j'ai de nouveau faim...
Je vais te plaindre, tiens, quand j'aurai un moment...
Allez, bon week-end quand même, je ne t'en veux pas !
J'avoue que vue la tournure des 2-3 1ères lignes, j'étais partie pour te plaindre.... Et puis je sais pas, mais la lecture des suivantes a fait flotter dans l'air comme de vagues senteurs des mets délicats auxquels tu es cruellement confrontée chaque jour, et je me suis dit : "c'est vrai la pauvre! quel malchance, quand je pense que je suis confrontée de mon côté chaque jour aux odeurs corporelles en tout genre, humaines et animales d'ailleurs (je travaille dans uneagence bancaire de campagne.... mais vraiment de campagne.... Bouhhhh...)" Alors oui je te plains! Vraiment beaucoup! Mais surtout parce que ce doit être une torture de garder la raison et de ne pas céder à la tentation!!
Allez, profite bien, je suis ravie pour toi!
Bises
* Doublemum, pas tout à fait... D day aujourd'hui ou presque... je pense à toi !
* Saperli, bonjour et bienvenue ici ! pour engrenger, j'engrange, capitons et autres ! et ça servira, c'est sûr !
* Lili, merci de me plaindre et de partager ma peine !
* Tanette, ouais, ouais ouais !
* Mab et SoeurAnne :1/chocolat blanc, 2/chocolat au lait, 3/ganache lait passion, 4/ganache noir framboise, 5/ganache noir orange, 6/ganache noir 70%, 7/ganache choc-café.
Alors ?!
*Zaboo, mon poids d'avant... d'avant lapin ? d'avant septembre ? d'avant noel ? je me demande quel d'avant, parceque ça n'est pas le même. Mais c'est pas grave... Enfin, pour l'instant !
* Tite, ah, tu vois, moi aussi rien qu'à saliver je grossis, alors autant y aller franco, y a moins de frustration !
* Maky, ah, comme c'est bien dit !
* Jeolianne, oh, si, indus c'est quand même un peu plus exotique que les tertiaires...! mais c'ets vrai, ça n'est pas aussi jouissif que l'hotelier! y a pas d'équivallent ,d'ailleurs, je crois...
* Natduvenez, et encore j'ia aps mis toutes ces photos qui me font de l'oeil !
* Tomalins, ah ben voilà, merci ,tu comprends comme c'est dur de resister toute la journée à la tentation ! un peu comme si on enfermait ... nan, j'allais dire une cochonnerie ;-)
Vi bien sur ... mais toi tu es mince à l'origine et moi euh ... tu vois quoi ?
j'adore ces multiples petites aventures dites avec humour et finesse .., on s'en lèche les babines . Si, si c'est toujours trés fin chez vous ;-) !
poire qui n’a du subir qu'un seul passage à l’alambic familial et qui doit bien titrer aux environs des 70°....
Ben tu sais quoi ? j'ai connu une Polonaise qui en prenait au petit-déjeuner...
By the way Thank you very very muche...
Béné...dictine ;-)
Pauvre de toi, un vrai enfer en effet! Ca va tu gères? ! :)
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