vendredi, décembre 21, 2007

Esprit de Décembre



Le tableau de bord indique – 4° ce matin lorsque je monte dans la voiture. Les lampadaires de la rue diffusent un jaune blafard qui peine à s’étendre sur le trottoir. «On n’y voit goutte », aurait dit mon grand-père. C’est également ce que je me dis en entrant sur l’autoroute. « Prudence, salage en cours ». Je n’aime pas ça. Machinalement, je glisse le véhicule dans l’encre du long ruban, me déporte sur la voie de gauche pour faire place au camion qui me suit sur la bretelle et je laisse les phares me guider à travers la nuit qui s’achève. Les massifs sont coiffés de blanc, la saison a commencé. La saison, la vraie, l’hiver, le vrai, celui du froid sec et mordant, de la neige qui croustille sous les bottes en montagne et des flocons qui fondent sur les cils. De l’haleine qui fume et des nez qui rougissent.

Source

L’autoroute scintille dans le rayon de mes phares et je ralentis, en levant le pied, doucement sans freiner… Entre la glissière métallique et la colonne de camions qui regagnent l’Italie, siglés «autotrasporti» sur leur flanc, j’essaie de rester concentrée. Malgré le manque de sommeil accumulé depuis plusieurs jours… plusieurs semaines . Je garde les yeux grands ouverts et le pied léger en pensant à ceux qui comptent sur moi de ci, de là, devant et derrière moi.

Le massif des Bauges à ma gauche a la tête dans les nuages. Demain, la station du Margériaz fera glisser ses premiers remonte-pentes de la saison et le snow park crissera sous les planches de surf. Dans le cocon douillet du véhicule, je regarde la silhouette sombre des massifs qui nous entourent. Leur gigantesque masse noire se découpe dans la nuit qui se désagrège. Au détour du massif des Hurtières jaillissent les violents projecteurs de la maison d’arrêt. Elle dresse ses hauts murs barbelés au milieu de nulle part, une île de lumière lovée dans un coude de l’autoroute. Le tableau de bord indique à présent –6° et la température baissera à mesure que je m’enfoncerai dans la vallée et que le soleil se lèvera sur les crêtes. Je ralentis encore… le bleu de la nuit fait place à une lueur blanchâtre et poisseuse qui raccourcit la portée des phares. Devant moi, l’asphalte scintille de plus belle. Le paysage devient surréaliste, j’avance à l’aveuglette, à tâtons de roues. La musique accompagne toujours mes trajets. Encore une fois, la voix d'Antony and The Johnsons déchire le nuage qui s’est endormi sur la route. Dans la lumière des phares dansent de petites âmes blanches, elles tourbillonnent, légères comme des flocons. La lumière blanchit, le jour pénètre la vallée, rase en rose les sentinelles de granit. Le lever du soleil sur la montagne est trompeur ; il caresse le pic du Cheval Noir, on s’attend à l’y voir apparaître mais, facétieux, c’est du massif d’en face que le disque surgit.

Source


Le petit matin est saisissant . La bretelle de sortie de l’autoroute brille des mille feux de la Reine des neige. Je freine par à-coups secs et rapides, pour voir. Crrrr crrrrr... En lâchant le volant. Pour voir. Puis je donne un coup vif sur la pédale de l’accélérateur. Juste pour vérifier jusqu'à quel point cela patine. En réponse, je sens les roues qui tentent de s’échapper, comme dotées d’une vie propre. Je reprends le contrôle lentement et je laisse les roues, dociles, reprendre d’elles-mêmes la bonne trajectoire.

Sur parking, les voitures qui ont passé la nuit ressemblent à de gros bonbons givrés. A présent, dans ce petit village qui grimpe vers le col de la Madeleine, le thermomètre affiche –8°. Je vais rejoindre la poignée d’élèves tout excités à quelques heures des vacances. Nos internes s’en iront enfin rejoindre leurs parents saisonniers en stations, ils vont tous à nouveau pouvoir chausser skis et snowboard, eux qui sont nés les deux pieds dans la poudreuse, un bâton dans chaque main et un mousqueton à la ceinture, pour escalader les parois l’été. Je vais retrouver pour la dernière fois de l’année le fougueux et perturbateur R., dont on s’est dit qu’il valait mieux que nous le gérions entre nous sans prévenir les parents. Parce que la dernière fois que son père a été convoqué, il a giflé son fils à lui en dévisser la tête. Devant le professeur principal.

Y a des claques qui se perdent, tandis que d’autres sont de trop.
Et moi je suis fatiguée. Fatiguée. Fatiguée.
Fatiguée.

Libellés :

23 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Alors j'espère qu'à partir de ce soir tu vas pouvoir te reposer, reposer, reposer ...

Elle doit être belle ta montagne en ce moment ... et vous vous skiez ?

21/12/07 15:58  
Blogger tanette said...

Fin de trimestre rendue encore plus difficile par l'état de la route....des vacances qui ne sont pas forcément celles au cours desquelles on se repose beaucoup... mais j'espère que tu en prendras le temps... Bonnes fêtes pour toi et les tiens. Bises.

21/12/07 20:57  
Anonymous Anonyme said...

Ton texte m'aurait presque fait aimer la montagne, mais je me suis ressaisie à temps. Bonnes vacances et repose-toi bien.
Mab

22/12/07 07:55  
Anonymous Anonyme said...

Profite bien des vacances!

22/12/07 12:07  
Anonymous Anonyme said...

T'as signé pour combien ?
Parce que là ! C'est le parcours du combattant...
Mais c'est aussi la beauté "brute" de cette nature que beaucoup vous envient...

22/12/07 15:03  
Blogger *isadora* said...

Bonnes vacances :)
Et de joyeuses fêtes à toi et à toute ta famille :)

22/12/07 22:10  
Anonymous Anonyme said...

Repose toi tant que tu peux, dors beaucoup, profondément..

Et merci pour la balade touristique...

23/12/07 17:15  
Anonymous Anonyme said...

Et joyeux Noël, que j'oubliais...

23/12/07 17:15  
Anonymous Anonyme said...

Demain à 19 h 00 quand je rentrerai la GadgetMobile au garage je pourrai enfin me dire que pour moi aussi ce sont les vacances !
En attendant demain matin je monterais dans ma GadgetMobile avec son thermomètre qui indiquera - 8 (ben oui chez nuos c'est la température matinale !) et je prendrai la jolie route de Montagne qui m'amenera, pour la dernière fois cette année, jusqu'à la Capitale Isèroise pour y accomplir ma besogne quotidienne !!!
Je te souhaite de passer un Joyeux Noël avec ta Tribu embrasse les pour nous !

23/12/07 19:58  
Anonymous Anonyme said...

Ton récit est si beau, qu'on en arrive à aimer des conditions de circulation difficiles.

Je te sais désormais en vacances, et je te souhaite de trouver du temps pour dormir, dormir, dormir.........

gros bisous.

26/12/07 09:31  
Blogger Marc said...

un bien joli billet!la montagne comme je l'aime moi aussi.

26/12/07 17:52  
Anonymous Anonyme said...

Ton récit est si joli..... On se laisse bercer par les mots....
Les vacances de Noël ne sont pas les plus reposantes, mais j'espère que tu auras pu quand même un peu te poser et te reposer!
Bonne fêtes de fin d'année

30/12/07 07:55  
Anonymous Anonyme said...

et si on allait en Thailande sous les palmiers là où il fait chaud...t'es folle de te laisser glisser sur le verglas? Allez bises ma FD préférée à toi et à ta tribu. Happy New Year
Béné

31/12/07 19:00  
Blogger NatduVénéz said...

Bonne année 2008 à toi et à ta famille. Que cette année t'apporte santé, amour et bonheur...

31/12/07 21:50  
Blogger tanette said...

Bonne Année à toi et à ta famille. Bises.

1/1/08 07:49  
Anonymous Anonyme said...

bon c quand que tu passes chez moi ? Je parle de toâ !
béné

3/1/08 11:57  
Anonymous Anonyme said...

J'espère que 2008 vous apprtera bonheur, paix et plénitude.

Tous mes voeux à votre grande et jolie famille

Et une palette de bisous à se partager of course

A bientôt

4/1/08 10:03  
Anonymous Anonyme said...

yep my dear mel et tel tjrs d'actu biz Béné

4/1/08 19:05  
Anonymous Anonyme said...

Wow!
Baisers ma belle!...
M'ados*

4/1/08 20:56  
Blogger FD-Labaroline said...

* Mlle Maupin, oui, je me suis reposée, j'ia essayé, du moins... d'ailleurs j'ai pas blogué du tout !

* Tanette, c'est pour ça que je n'aime pas ces fête des fin d'année...

* Mab, mais si, tu l'aimes la montagne mais tu ne le sais pas encore !!

* Fabienous, merci, j'ai surtout bien profité de la chose chocolatée sous toutes ses formes.

* Maky, signé juste pour 1 an, plutôt 9 mois... mais je me demande si j'en reprendrais pas encore un peu l'année prochaine... vraiment.

* Isadora, merci et à toi aussi... qu'elle soit meilleure que celle qui s'est achevée...

* Soeur Anne, des grasses mat' j'en ai eu... levée ) 11h... trop bieeeeeeen ! (j'ai un Doux en or !)

* Mme Poussiiiin, alors, t'as pas dérappé sur la route ? brrrr...vivement un bon sauna qu'on se réchauffe en rentrant du boulot, hein ?!

* Zaboo, pour moi, des conditions de circulation difficile ce sont les embouteillages en ville... ça me rend chèvre, ça ! je préfère mille fois rouler sous la neige sur le verglas, y a pas photo !

* Marc, n'est-ce pas qu'elle est belle notre montagne ?!

Tomaline, bienvenue ici !

* Natduvenez, 2008 m'a pour l'instant apporté un trop-plein de chocolateries... je sature et c'est la 1ère fois que ça m'arrive...

* Titeknacky, merci !

* M'ados... tout d'abords quand j'ai lu ton "wow" j'ai pensé "world of warcraft"... je bugg si je commence à penser comme mes ados !! Ou bien ?!

4/1/08 22:10  
Anonymous Anonyme said...

Tu nous le fais quand l'esprit de janvier, en mars!

5/1/08 07:33  
Blogger Dam said...

ah les bauges, la montagne, le froid, les gifles ;-) ça me manque ! bonnenannée !

6/1/08 16:30  
Anonymous Anonyme said...

Bonjour,
beaux mots pour nous faire partager votre univers.
Prenez soin de vous en vous reposant.
doux lundi
Bernadette

7/1/08 11:12  

Enregistrer un commentaire

<< Home