jeudi, juin 19, 2008

Là-haut sur la montagne...

Le visage poupin de Bastien boude. Bastien vient d’avoir des lunettes et il ne s’aime pas avec. Mais si, Bastien, je t’assure, elles te vont très bien tes lunettes ;

Julien lit Spirou à voix haute ; Jessica fait des découpages « nan, c’est pour un truc madame, hi hi hi… ouiiii je vais ramasser mes bouts » ; Florian et Quentin ne pipent pas mot, trop calmes, ils feuillettent des BD, là-bas au fond, je les ai à l’œil…ou plutôt à l’oreille ;

Antony est caché derrière un rayon… je trouve ça louche… « tu cherches quelque chose Antony ? » L’heure précédente, les 3 terribles de la 4èmeA m’ont fait un sacré méli-mélo dans les rayons… juste pour rire… pour glousser serait plus approprié… Mais si Bastien je t’assure elles te vont très bien ces lunettes… Bastien fait de la boulimie… par excès de solitude. Il est seul chez lui jusque tard le soir, son plus proche voisin est à 2 km, il n’a pour compagnons que ses poules… Ses parents sont obligés de fermer les placards et de cadenasser le frigo. Pour lui tenir compagnie, ses parents lui ont mis la télé, l’ordinateur et la console de jeu dans sa chambre. Bastien à 11 ans. Mais Bastien s'ennuie à périr. Bastien s'ennuie à grossir.


Jéremy déambule dans le Cdi, zig-zague entre les tables, désoeuvré. « tu t’ennuies ? Tu veux que je te trouve une occupation rigolote ? » « han, madame, quand vous dites ça c’est que vous avez du boulot à m'donner…j’veux pas ranger les livres… »

Trouver une occupation pour Jéremy avant que son oisiveté ne devienne mère de tous les vices… Ludivine n’en finit pas de plier et déplier son sweat shirt… avant de s’en faire un oreiller sur la table. Parfois, certains s’endorment sur les chauffeuses… c’est surtout le cas dans mon autre établissement, le lycée des cuistots et des serveurs, où les élèves font des extras jusqu’à point d’heures… l’année dernière, des filles prenaient la navette tous les samedi matins à 6h pour aller faire femme de chambre dans les hôtels de luxe en station… et elles revenaient au lycée le lundi matin. Parce que certaines payaient leur propre loyer. Et faire 40 chambres par jour en station ça paie le loyer. Ça tue, ça épuise, ça n’est pas une vie de lycéenne, mais ça paie le loyer de ceux en rupture familiale…Lorsque ça devient trop difficile, ce ne sont jamais les 40 chambres qu’elles abandonnent…ce sont les cours dans lesquelles elles s’endorment.

Il fait beau, les débardeurs sont de sortie et les fenêtres ouvertes n’évacuent pas l’odeur animale. L’odeur de fauve, cette odeur qui caractérise les salles de classe, qui vous prend à la gorge quand vous entrez et dans laquelle vous finissez par baigner sans plus y faire attention, jusqu'à ce qu'à la sonnerie la classe suivante déboule en grognant « 'tin, ça schmoute ! »

Au mieux, un mélange de transpiration douceâtre, encore celle de l'enfance et de parfum de supermarché … au pire, le parfum en moins, une subtile odeur de pieds en plus. Ou de cheveux sales.

J'ai raison de me méfier de Florian et de Quentin ensemble : ils sont en train de se taper sur la tête à coups de bande dessinée. Mon intervention sonore n'aura qu'un effet très temporaire... Je suis injuste, ils ne faisaient rien du tout... je dois bigler, en plus les autres parlent et à eux je ne leur dis rien...

Ils me fatiguent, bon sang, comme ils me fatiguent…

C'est ce moment-là que choisissent Fabien et Johanna pour faire irruption... Ils me font le coup chaque fois, et chaque fois je sursaute . Ils crient en coeur «Bonjour Madaaaaaame... vous avez vu on est gentils on est venus vous dire bonjour » Fabien et Johanna sont inséparables... on dirait qu'ils se partagent un cerveau pour deux (les bons jours...) : il y en a un qui invente la bêtise et l'autre qui l'accomplit, ou les deux ensemble. Ou vice-versa (et le vice versa hahaha). En tous cas, ils se défendent toujours l'un l'autre, ils sont donc toujours collés tous les deux. Johanna ne s'arrête jamais de parler, son flot de paroles aigües est reconnaissable entre 20. Prise sur le fait, elle se tord et couine de rire, secouée d'une quinte de rire que rien en peut arrêter, entrainant dans la déferlante son binôme Fabien. Et ces deux-là, ça vous pourrit une heure en moins de temps qu'il n'en faut pour hoqueter. Pas méchants du tout...Mais pénibles.

Ils me fatiguent, bon sang, ils me fatiguent... mais qu'est-ce que je les aime !


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Pour ceux qui se posent la question, je naviguerai encore l'année prochaine sur les jolies routes de nos belles montagnes... j'aime assez ça, en fait, le nomadisme...

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vendredi, juin 13, 2008

Kicékadi...

A propos de la sortie du film sur lui (Moimaviemonoeuvre...sur tous les bons écrans depuis le 04 juin), qui donc a déclaré ceci :

"C'est un rôle sans peau. Imagine, tu prends une pêche et tu l'épluches. Ensuite tu mets le doigt dedans. Eh bien moi je suis la pêche. Le réalisateur m'a compris, il a creusé en moi. Il est même allé jusqu'au noyau et il a remarqué qu'un des côté était un peu pourri. Il a gratté pour nettoyer et il a reformé la pêche. J'ouvre mon coeur dans ce film, j'ai même pleuré en le voyant".

Celui qui ainsi s'auto-émotionne devant sa propre histoire est un grand acteur à qui nous devons les meilleurs aphorismes de tout les temps...

Alors, kicéki ?

in Les Clés de l'actualité n° 760, 11 juin 2008


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A part ça, je ferme des portes, contrainte. Je préserve avec les dents ce que nous avons construit, Doux et moi envers et contre beaucoup depuis 6 ans. Je fais de petits deuils, je repositionne mes exigences... Bref, que du très quotidien. Sauf que dans une famille recomposée, le moindre changement de direction ou de configuration vous prend des allures de remises en question personnelle. Faisons-nous bien ? Faisons-nous juste ? Mille et une contraintes qui tissent notre quotidien et conditionnent la moindre décision (contraintes aussi bien internes qu'externes à la structure familiale... une famille recomposée c'est en réalité TROIS familles si l'on compte les effets collatéraux)
L'esprit, de fait, peu disponible à l'extraversion. Mais la fin de l'année se termine, certaines épées en suspend ne sont finalement pas tombées, on peut souffler un instant et affronter d'autres contrariétés à venir. Du coup, je ne m'inquiète pas du tout de mon lieu de parachutage professionnel à la rentrée prochaine... réponse dans une semaine. Peu me chaut... en fait.
Très élliptique tout ça...
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J'ai un Tagamiam sous le coude et un Tagaboulot aussi... Lepèredivorcé et Deubeulmeum, je n'oublie pas !