Gagnéééé !
On ne gagne pas à tous les coups... souvent ça rate...mais les rares fois où ça fonctionne estompent toutes les tentatives manquées.
J'ai acheté des livres. Non, pas des livres pour moi pour me faire plaisir. Enfin, si, un peu. Des livres que j'aime. Pour eux. Des livres que j'ai envie de leur faire découvrir. On m'avait dit "ici, le CDI n'a jamais rien fait pour eux, les portes leur ont toujours été fermées."
Mes SEGPA-que-j'aime. J'ai imposé ma présence aux élèves de 6è S, ou plutôt, je leur impose le lieu une heure par semaine. J'ai dit "on commence par 4 séances et on voit ce que ça donne".
Avec eux j'ai refait l'aphabet. A l'endroit et à l'envers. Avec eux nous avons réappris à écrire les chiffres pour déchiffrer les cotes sur les livres. ça a été laborieux souvent, bruyant encore plus souvent, réjouissant parfois, émouvant de temps en temps. Fatigant, tout le temps. Mais une bataille gagnée d'avance n'a aucun intérêt.
J'ai acheté des livres pour eux. Des petits livres. 40 pages écrit gros. D'un auteur que j'aime beaucoup. Qui leur va bien. Un auteur qui dit avec si peu de mots des choses graves.
J'ai reçu les livres aujourd'hui. Je m'en occupe en plein milieu des élèves qui brassent, qui gesticulent, qui deviennent curieux "Ooooooh des nouveaux livres !"
- Tu veux en lire un ?
Mouvement de recul. Effroi mêlé de respect et geste effarouché de la main...
-Non non non...
Je vends le truc. Pas beaucoup de pages, écrit gros, histoire triste... qui attrape le lecteur et l'oblige à se poser des questions ... La main se tend, hésitante. Ben non, y a pas d'images... mais on essaie quand même ?
Je sens que c'est pour me faire plaisir. Le livre est pris, c'est déjà ça de gagné. Une porte entr'ouverte.
Puis il va s'assoir sur les chauffeuses jaunes. Croise et décroise les jambes. Change de fesse d'appui. Se lève. Change de siège. Ferme la fenêtre. Se rassoie. Sans poser le livre. Je n'en reviens pas... normalement il aurait déjà du parcourir 4 fois le CDI dans la longueur en courant pour une raison ou pour une autre... Chauffer ses camarades au passage... Beugler éventuellement. Mais non. Rien. Silence.
45 minutes... pas plus. 45 minutes il lui aura fallu pour s'approprier l'histoire. En bougeant silencieusement les lèvres.
Il s'est levé et m'a rendu le petit opus. J'ai souri. Un peu mal à propos parce que le live ne prête pas à sourire. Lui n'a pas souri. Il a juste dit
- C'est pas mal. Mais moi j'y aurais pas dit à la fille que ses parents étaient morts.
Il a regardé la petite pile des autres titres du même auteur. Je n'insiste pas. Jeudi prochain, je leur fais la lecture à voix haute, rien que pour eux huit. Puisque nous avons décidés eux et moi de poursuivre nos rencontres jusqu'à... longtemps. Je choisirai bien mon passage. Et je laisserai mijoter.
Une toute petite victoire... mais je sais me satisfaire de petites joies, dans mon métier. Et ça c'en est une grande...
Hors sujet : j'ai plein de tags en retard... je n'oublie pas et j'y viens ! mais la vraie vie me
submerge un peu, là...
Edit du jour : à la demande de la copinaute Appollonia, ce qui fait mouche auprès des jeunes lecteurs en difficulté (CM- SEGPA en collège ou encore EREA) sont (non exhaustif of course) les romans de Thierry Lenain et pour la circonstance Un marronnier sous les étoiles.
Il y en a d'autres, plein, la littérature jeunesse est dynamique et intelligente, mais celui-là est mon préféré.
J'ai acheté des livres. Non, pas des livres pour moi pour me faire plaisir. Enfin, si, un peu. Des livres que j'aime. Pour eux. Des livres que j'ai envie de leur faire découvrir. On m'avait dit "ici, le CDI n'a jamais rien fait pour eux, les portes leur ont toujours été fermées."
Mes SEGPA-que-j'aime. J'ai imposé ma présence aux élèves de 6è S, ou plutôt, je leur impose le lieu une heure par semaine. J'ai dit "on commence par 4 séances et on voit ce que ça donne".
Avec eux j'ai refait l'aphabet. A l'endroit et à l'envers. Avec eux nous avons réappris à écrire les chiffres pour déchiffrer les cotes sur les livres. ça a été laborieux souvent, bruyant encore plus souvent, réjouissant parfois, émouvant de temps en temps. Fatigant, tout le temps. Mais une bataille gagnée d'avance n'a aucun intérêt.
J'ai acheté des livres pour eux. Des petits livres. 40 pages écrit gros. D'un auteur que j'aime beaucoup. Qui leur va bien. Un auteur qui dit avec si peu de mots des choses graves.
J'ai reçu les livres aujourd'hui. Je m'en occupe en plein milieu des élèves qui brassent, qui gesticulent, qui deviennent curieux "Ooooooh des nouveaux livres !"
- Tu veux en lire un ?
Mouvement de recul. Effroi mêlé de respect et geste effarouché de la main...
-Non non non...
Je vends le truc. Pas beaucoup de pages, écrit gros, histoire triste... qui attrape le lecteur et l'oblige à se poser des questions ... La main se tend, hésitante. Ben non, y a pas d'images... mais on essaie quand même ?
Je sens que c'est pour me faire plaisir. Le livre est pris, c'est déjà ça de gagné. Une porte entr'ouverte.
Puis il va s'assoir sur les chauffeuses jaunes. Croise et décroise les jambes. Change de fesse d'appui. Se lève. Change de siège. Ferme la fenêtre. Se rassoie. Sans poser le livre. Je n'en reviens pas... normalement il aurait déjà du parcourir 4 fois le CDI dans la longueur en courant pour une raison ou pour une autre... Chauffer ses camarades au passage... Beugler éventuellement. Mais non. Rien. Silence.
45 minutes... pas plus. 45 minutes il lui aura fallu pour s'approprier l'histoire. En bougeant silencieusement les lèvres.
Il s'est levé et m'a rendu le petit opus. J'ai souri. Un peu mal à propos parce que le live ne prête pas à sourire. Lui n'a pas souri. Il a juste dit
- C'est pas mal. Mais moi j'y aurais pas dit à la fille que ses parents étaient morts.
Il a regardé la petite pile des autres titres du même auteur. Je n'insiste pas. Jeudi prochain, je leur fais la lecture à voix haute, rien que pour eux huit. Puisque nous avons décidés eux et moi de poursuivre nos rencontres jusqu'à... longtemps. Je choisirai bien mon passage. Et je laisserai mijoter.
Une toute petite victoire... mais je sais me satisfaire de petites joies, dans mon métier. Et ça c'en est une grande...
Hors sujet : j'ai plein de tags en retard... je n'oublie pas et j'y viens ! mais la vraie vie me
submerge un peu, là...
Edit du jour : à la demande de la copinaute Appollonia, ce qui fait mouche auprès des jeunes lecteurs en difficulté (CM- SEGPA en collège ou encore EREA) sont (non exhaustif of course) les romans de Thierry Lenain et pour la circonstance Un marronnier sous les étoiles.
Il y en a d'autres, plein, la littérature jeunesse est dynamique et intelligente, mais celui-là est mon préféré.