Inventaire à la Prévert
Il y a Jean-Christophe, le prof de technologie, qui fait 300 km par jour pour 3h de vacation par semaine en deux fois ;
Il y a Sandrine qui apporte chaque fois des tablettes de chocolat pour accompagner le café en salle des profs (merveilleuse Sandrine qui s'inquiète de notre carence en magnesium)
Il y a Michèle, angoissée, inquiète, petite souris timorée qui, sachant que j'officie à mi-temps ailleurs en ZEP, me conseille de ne surtout pas m'approcher à plus de 1,5 m des élèves et de rester bien planquée derrière mon bureau ; Michèle à qui je n'ai pas osé dire que je n'avais pas peur des élèves et que me tenir loin d'eux n'était pas ma façon de travailler avec eux ;
Il y a Hervé, le prof d'arts plastiques, dont on a supprimé le poste près de chez lui et que le Grand facétieux a affecté en ZEP à 80 km de femme et enfants... parceque arts plastiques on s'en fout ça n'est pas important... on supprime même des heures de français alors arts plastiques, tu penses...
Il y a Akim, un jeune ENAF aux yeux vert d'eau ("élève nouvellement arrivé en France") qui m'appelle "maman" et qui passe du temps sur Internet à regarder son pays d'origine sur GoogleMap et Google Earth
Il y a Mounia et sa bande de pipelettes qui déclament haut et fort que Tony Parker il est trop booooooooo... hein madame vous trouvez pas qu'il est trop beau ?
Il y a Célia qui vient de perdre sa maman et qui assiste courageusement à tous les cours (sauf le jour de l'enterrement)
Il y a Benjamin et sa soeur Emmanuelle qui viennent de perdre leur papa et que leurs classes entières sont allées soutenir, accompagnées des professeurs principaux, le jour de la crémation..
Il y a Emile, le fils d'une amie, qui est terrorisé chaque fois qu'il me voit à l'idée que je puisse cafter à sa mère !
Il y a mon collègue dont je complète le mi-temps qui s'acharne à me mettre des Post-it que j'ignore ostensiblement ("pense à bien débrancher tous les ordinateurs en partant"; "lundi matin toutes les BD n'étaient pas bien rangées dans le bac"...) J'ai 27 volets roulants à fermer, 6 ordinateurs à éteindre, les livres qui trainent à ranger... et mon vrai boulot à faire, quand même !
Il y a mes journées rythmées toutes les 50 minutes par une sonnerie peu aimable...
Il y a cette reproduction d'une affiche ancienne dans la cantine qui me fait (sou)rire chaque fois "un vrai moutart, c'est un poulbot, la vraie moutarde c'est Parizot"
Il y a les bruyants, les agités, les (trop) calmes, les bavards, les tête-en-l'air. Ceux qui sont en train d'apprendre notre langue en même temps qu'ils découvrent notre beau pays-terre-d'accueil-et-protectrice-des-opprimés-d'ailleurs...
Il y a les miens à moi chez moi, une fois que j'en ai fini avec ceux des autres.
Il y a Ainé qui découvre l'euphorie d'une liberté toute neuve pour sa 1ère année de lycée ; Ainé qui va de découverte en découverte et que je tiens à l'oeil de très près, en croisant les doigts pour que l'éducation qu'il a reçu jusqu'aujourd'hui ait été suffisamment convaincante pour lui éviter de franchir des lignes rouges...
Il y a Lapin pour l'instant heureuse d'entrer dans la Grande maison scolaire...
Il y a les trajets aller-retour-aller-retour pour les cours de guitare, de karaté, d'arts plastiques.
Il y a l'homme qui s'est installé dans mon coeur et pour qui je n'ai guère de temps...
Il y a les copines, les amies, à qui je consacre encore moins de temps.
Il y a tous ces mels et tous ces billets écrits dans ma tête et qui n'ont jamais pris forme, faute de ...
Il y a toutes ces foutues journées si courtes et ces week-ends pas assez longs;
Il y a ces nuits si courtes et hachées en menus morceaux et insuffisantes en tous cas...
Tous ces mots d'amour que je n'ai pas le temps de délivrer.
Et il y a moi... quelque part là en-dessous...
Il y a Sandrine qui apporte chaque fois des tablettes de chocolat pour accompagner le café en salle des profs (merveilleuse Sandrine qui s'inquiète de notre carence en magnesium)
Il y a Michèle, angoissée, inquiète, petite souris timorée qui, sachant que j'officie à mi-temps ailleurs en ZEP, me conseille de ne surtout pas m'approcher à plus de 1,5 m des élèves et de rester bien planquée derrière mon bureau ; Michèle à qui je n'ai pas osé dire que je n'avais pas peur des élèves et que me tenir loin d'eux n'était pas ma façon de travailler avec eux ;
Il y a Hervé, le prof d'arts plastiques, dont on a supprimé le poste près de chez lui et que le Grand facétieux a affecté en ZEP à 80 km de femme et enfants... parceque arts plastiques on s'en fout ça n'est pas important... on supprime même des heures de français alors arts plastiques, tu penses...
Il y a Akim, un jeune ENAF aux yeux vert d'eau ("élève nouvellement arrivé en France") qui m'appelle "maman" et qui passe du temps sur Internet à regarder son pays d'origine sur GoogleMap et Google Earth
Il y a Mounia et sa bande de pipelettes qui déclament haut et fort que Tony Parker il est trop booooooooo... hein madame vous trouvez pas qu'il est trop beau ?
Il y a Célia qui vient de perdre sa maman et qui assiste courageusement à tous les cours (sauf le jour de l'enterrement)
Il y a Benjamin et sa soeur Emmanuelle qui viennent de perdre leur papa et que leurs classes entières sont allées soutenir, accompagnées des professeurs principaux, le jour de la crémation..
Il y a Emile, le fils d'une amie, qui est terrorisé chaque fois qu'il me voit à l'idée que je puisse cafter à sa mère !
Il y a mon collègue dont je complète le mi-temps qui s'acharne à me mettre des Post-it que j'ignore ostensiblement ("pense à bien débrancher tous les ordinateurs en partant"; "lundi matin toutes les BD n'étaient pas bien rangées dans le bac"...) J'ai 27 volets roulants à fermer, 6 ordinateurs à éteindre, les livres qui trainent à ranger... et mon vrai boulot à faire, quand même !
Il y a mes journées rythmées toutes les 50 minutes par une sonnerie peu aimable...
Il y a cette reproduction d'une affiche ancienne dans la cantine qui me fait (sou)rire chaque fois "un vrai moutart, c'est un poulbot, la vraie moutarde c'est Parizot"
Il y a les bruyants, les agités, les (trop) calmes, les bavards, les tête-en-l'air. Ceux qui sont en train d'apprendre notre langue en même temps qu'ils découvrent notre beau pays-terre-d'accueil-et-protectrice-des-opprimés-d'ailleurs...
Il y a les miens à moi chez moi, une fois que j'en ai fini avec ceux des autres.
Il y a Ainé qui découvre l'euphorie d'une liberté toute neuve pour sa 1ère année de lycée ; Ainé qui va de découverte en découverte et que je tiens à l'oeil de très près, en croisant les doigts pour que l'éducation qu'il a reçu jusqu'aujourd'hui ait été suffisamment convaincante pour lui éviter de franchir des lignes rouges...
Il y a Lapin pour l'instant heureuse d'entrer dans la Grande maison scolaire...
Il y a les trajets aller-retour-aller-retour pour les cours de guitare, de karaté, d'arts plastiques.
Il y a l'homme qui s'est installé dans mon coeur et pour qui je n'ai guère de temps...
Il y a les copines, les amies, à qui je consacre encore moins de temps.
Il y a tous ces mels et tous ces billets écrits dans ma tête et qui n'ont jamais pris forme, faute de ...
Il y a toutes ces foutues journées si courtes et ces week-ends pas assez longs;
Il y a ces nuits si courtes et hachées en menus morceaux et insuffisantes en tous cas...
Tous ces mots d'amour que je n'ai pas le temps de délivrer.
Et il y a moi... quelque part là en-dessous...