Madeleine de...
J'ai fait du rangement dans mes billets (je sais, ça ne se voit pas !) J'en ai relu certains. Je vous donne à nouveau à lire mon tout premier billet. Le déclencheur. Je venais de revoir Carole et j'avais eu besoin de l'écrire. Avec du recul, de mettre des mots sur cet étrange été-là...
Hier j'ai croisé Carole. Enfin, quand je dis «croisé», c'est un bien grand mot, je l'ai plutôt aperçue à travers la vitre du café. Et tout d'un coup, là, moi qui n'avais que très peu pensé à elle depuis près de 20 ans, tout m'est remonté d'un coup dans la gorge, comme un étrange relent...
Nous étions en 4è et 3è ensemble. Pas tout à fait amies, tout juste copines, au début. Elle faisait partie de ces filles émancipées que l'on regardait avec un mélange de fascination et de curiosité... tellement lointaines. Elles fumaient, elles sortaient déjà avec des garçons, elles choisissaient elles-même leurs vêtements, personne chez elles ne pointaient leur heure de rentrée... Et surtout... elle avait un GRAND FRERE... qui venait l'attendre à la sortie du collège, et ensuite, à la sortie du lycée. Dans des circonstances que je ne me rappelle plus, j'avais été invitée chez elle à cette époque. Ils habitaient tout un étage composé de deux appartements réunis. Carole partageait avec son frère une entrée indépendante de l'appartement familial et une sorte de studio rien qu'à eux. Plus tard, au lycée, nos chemins se sont croisés à nouveau, entremêlés pendant plusieurs semaines d'été, avec son frère, que j'avais réussi à approcher par le concours d'une amie commune (aaah, les mélis-mélos d'ados !) Michel, son frère, qui trainait son romantisme dégingandé à la sortie du lycée; Michel qui adorait sa soeur (qui le lui rendait bien... et je constaterai un peu plus tard à quel point ces deux-là s'aimaient...).
Cet été-là, j'avais passé mon bac de français, j'avais des points d'avance, je passais en terminale, tout allait bien, mes 18 ans me souriaient à pleines dents. Carole sortait avec Bruno. Cet été-là, nous l'avons passé tous les 4, à la piscine, à faire du lèche-vitrine en ville, au cinéma beaucoup (Michel, érudit cinéphile, y avait ses entrées...), à écouter Al Jarreau. Michel cuisinait pour nous dans leur studio, invitant parfois quelques copains étudiants, fascinants, drôles et cultivés.
Ai-je dit que le frère et la soeur s'adoraient ? Carole adorait son copain Bruno; Michel m'adorait. Moi, j'étais sous le charme. Flattée. Le frère et la soeur étaient très généreux... Et libres. Bruno était sympa, même s'il aimait un peu trop dangereusement les armes à feu à mon goût. Nous nous aimions tous... bien. J'ai compris par la suite qu'affection, amour, tendres sentiments ne s'exprimaient de manière identique pour tous : si nous nous aimions tous, nous étions donc tous interchangeables...
Je mis du temps à décrypter ce qui se passait entre nous 4..., ce dont j'étais partie prenante sans m'en rendre compte; il a fallu que je me retrouve un après-midi dans une situation toute nouvelle pour moi, à laquelle je n'avais jamais pensé et qui ne me tentait guère. Cela semblait tellement naturel pour eux 3 que j'ai eu des scrupules à refuser leur jeu. C'était une journée très étrange, d'oisiveté, d'ennui collectif...
Bruno avait décroché le fusil de son père... fanfaron, il a voulu montrer également qu'il savait où les balles étaient cachées. Qu'il savait charger une arme, viser. ça les faisait rire... Pas moi. Pour moi, la magie commença à s'étioler. Le charme se rompra totalement un peu plus tard. Sans arme. Oisifs, le frère, la soeur et l'ami ont proposé un drôle de jeu de rôle. A quatre. Configurations multiples et au choix. Combien de possibilités ? Si j'avais les vélléités d'émancipation propres à mon âge, ça n'était pas ça du tout que j'envisageais comme découverte du monde ! Je n'ai pas compris tout de suite où ils voulaient en venir... Il a fallu qu'ils m'expliquent, goguenards (l'oie blanche que j'étais a dû les amuser beaucoup). Ils se sont regardés... puis les choses en sont restées là... 3, 4 interchangeables, méli-mélo, salade de bras et...
Je me suis éloignée d'eux, personne ne m'a courru aprés ; l'été a passé en demi-teinte, avec cette sensation lourde et désagréable d'en avoir appris plus que souhaité.
J'ai croisé à nouveau Michel, inchangé, 3 ans plus tard au détour d'une rue piètonne... Il habitait avec sa soeur, elle était tombée enceinte deux fois mais n'avait pas gardé les bébés... Il en était chagriné. Un soupçon d'effroi m'a parcourue à ce moment-là. Oncle et père à la fois... ai-je pensé.
«Tu veux venir prendre un thé à la maison, ça fera plaisir à Carole ? sinon passe un de ces soirs, on se fera une bouffe brésilienne ».
Je ne suis jamais passée et je garde de ces semaines de l'été 1982 une aversion incontrôlable pour l'eau de toilette au vétyver et Al Jarreau. Et j'ai aperçue Carole hier en ville... le même visage sec et émacié, juste vieillie, un peu. L'homme qui l'accompagnait n'était pas son frère...
Hier j'ai croisé Carole. Enfin, quand je dis «croisé», c'est un bien grand mot, je l'ai plutôt aperçue à travers la vitre du café. Et tout d'un coup, là, moi qui n'avais que très peu pensé à elle depuis près de 20 ans, tout m'est remonté d'un coup dans la gorge, comme un étrange relent...
Nous étions en 4è et 3è ensemble. Pas tout à fait amies, tout juste copines, au début. Elle faisait partie de ces filles émancipées que l'on regardait avec un mélange de fascination et de curiosité... tellement lointaines. Elles fumaient, elles sortaient déjà avec des garçons, elles choisissaient elles-même leurs vêtements, personne chez elles ne pointaient leur heure de rentrée... Et surtout... elle avait un GRAND FRERE... qui venait l'attendre à la sortie du collège, et ensuite, à la sortie du lycée. Dans des circonstances que je ne me rappelle plus, j'avais été invitée chez elle à cette époque. Ils habitaient tout un étage composé de deux appartements réunis. Carole partageait avec son frère une entrée indépendante de l'appartement familial et une sorte de studio rien qu'à eux. Plus tard, au lycée, nos chemins se sont croisés à nouveau, entremêlés pendant plusieurs semaines d'été, avec son frère, que j'avais réussi à approcher par le concours d'une amie commune (aaah, les mélis-mélos d'ados !) Michel, son frère, qui trainait son romantisme dégingandé à la sortie du lycée; Michel qui adorait sa soeur (qui le lui rendait bien... et je constaterai un peu plus tard à quel point ces deux-là s'aimaient...).
Cet été-là, j'avais passé mon bac de français, j'avais des points d'avance, je passais en terminale, tout allait bien, mes 18 ans me souriaient à pleines dents. Carole sortait avec Bruno. Cet été-là, nous l'avons passé tous les 4, à la piscine, à faire du lèche-vitrine en ville, au cinéma beaucoup (Michel, érudit cinéphile, y avait ses entrées...), à écouter Al Jarreau. Michel cuisinait pour nous dans leur studio, invitant parfois quelques copains étudiants, fascinants, drôles et cultivés.
Ai-je dit que le frère et la soeur s'adoraient ? Carole adorait son copain Bruno; Michel m'adorait. Moi, j'étais sous le charme. Flattée. Le frère et la soeur étaient très généreux... Et libres. Bruno était sympa, même s'il aimait un peu trop dangereusement les armes à feu à mon goût. Nous nous aimions tous... bien. J'ai compris par la suite qu'affection, amour, tendres sentiments ne s'exprimaient de manière identique pour tous : si nous nous aimions tous, nous étions donc tous interchangeables...
Je mis du temps à décrypter ce qui se passait entre nous 4..., ce dont j'étais partie prenante sans m'en rendre compte; il a fallu que je me retrouve un après-midi dans une situation toute nouvelle pour moi, à laquelle je n'avais jamais pensé et qui ne me tentait guère. Cela semblait tellement naturel pour eux 3 que j'ai eu des scrupules à refuser leur jeu. C'était une journée très étrange, d'oisiveté, d'ennui collectif...
Bruno avait décroché le fusil de son père... fanfaron, il a voulu montrer également qu'il savait où les balles étaient cachées. Qu'il savait charger une arme, viser. ça les faisait rire... Pas moi. Pour moi, la magie commença à s'étioler. Le charme se rompra totalement un peu plus tard. Sans arme. Oisifs, le frère, la soeur et l'ami ont proposé un drôle de jeu de rôle. A quatre. Configurations multiples et au choix. Combien de possibilités ? Si j'avais les vélléités d'émancipation propres à mon âge, ça n'était pas ça du tout que j'envisageais comme découverte du monde ! Je n'ai pas compris tout de suite où ils voulaient en venir... Il a fallu qu'ils m'expliquent, goguenards (l'oie blanche que j'étais a dû les amuser beaucoup). Ils se sont regardés... puis les choses en sont restées là... 3, 4 interchangeables, méli-mélo, salade de bras et...
Je me suis éloignée d'eux, personne ne m'a courru aprés ; l'été a passé en demi-teinte, avec cette sensation lourde et désagréable d'en avoir appris plus que souhaité.
J'ai croisé à nouveau Michel, inchangé, 3 ans plus tard au détour d'une rue piètonne... Il habitait avec sa soeur, elle était tombée enceinte deux fois mais n'avait pas gardé les bébés... Il en était chagriné. Un soupçon d'effroi m'a parcourue à ce moment-là. Oncle et père à la fois... ai-je pensé.
«Tu veux venir prendre un thé à la maison, ça fera plaisir à Carole ? sinon passe un de ces soirs, on se fera une bouffe brésilienne ».
Je ne suis jamais passée et je garde de ces semaines de l'été 1982 une aversion incontrôlable pour l'eau de toilette au vétyver et Al Jarreau. Et j'ai aperçue Carole hier en ville... le même visage sec et émacié, juste vieillie, un peu. L'homme qui l'accompagnait n'était pas son frère...
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