Mille étoiles et mille soleils
merci de vos commentaires, la peine pour l'Ainé est toujours aussi lourde de culpabilité "et si j'avais été là, peut être que..."
Mais on ne peut pas porter toute la culpabilité du monde, ni se faire l'ange gardien de ceux qu'on aime, j'en sais quelque chose...
J'ai malgré tout dû me faire violence pour le laisser aller à un festival, en pleine montagne au milieu des pins vendredi soir. J'ai lâché prise. J'ai fait confiance à sa bonne étoile. Parce qu'on ne peut pas les protéger de tout tout le temps, on ne peut qu'espérer qu'ils apprennent de la vie, même si la leçon chaque fois est terriblement douloureuse.
Il a enterré son copain samedi, une belle cérémonie, a-t-il dit, mi chrétienne mi bouddhiste. Depuis, il veut que je lui achète Le livre tibétain de la vie et de la mort... J'accède à sa demande.
C'est la fin de l'année.
ça aurait pu être une chouette fin d'année scolaire.
ça n'est pas une chouette fin d'année scolaire, et je n'arrive pas à me réjouir.
Pour certains c'est l'année du bac. Au lycée proche de chez moi, celui que fréquente l'Ainé, l'habitude est d'aller camper là-haut tout là-haut, au départ des parapentes, dominer la vallée et voir à ses pieds scintiller les lumières. Enivrant. Une vue sublimissime, je le reconnais. Pour qui n'a pas le vertige.
Ils sont allés camper. Ils ont pris les tentes, sont montés qui en voiture avec leur permis tout frais, qui en funiculaire. C'est le dernier jour de la dernière épreuve du bac. On souffle. Le point final de sept années d'études secondaires.
L'Aîné a souhaité y aller cette année, profiter de cette douce nuit avec ses copains (lui ne passe pas encore le bac). J'ai dit "je réfléchis, mais je ne suis pas très chaude", des inquiétudes de mère , peut être trop. Et puis finalement il était fatigué, il a décidé de ne pas y aller.
Ils se sont couchés, là-haut sur le plateau qui domine la vallée, tard dans la nuit, tôt le matin... Il en manquait un... qui était là puis qui ne l'a plus été. Tout d'un coup.
L'hélicoptère de la gendarmerie l'a retrouvé quelques heures plus tard... quelques mètres plus bas.
Aîné a perdu un copain, un copain de ses sorties de ski, un copain des soirées, un copain de musique, un "bonpotamoi". Aîné n'exprime guère ses sentiments. Depuis, il reste en contact permanent avec sa bande, ceux du lycée... depuis 5 jours, devant le lycée, les bouquets s'amoncellent, les élèves se succèdent, jusque très tard dans la nuit, à la lueur des bougies. On parle à voix basse, on gratouille doucement une berceuse à la guitare. Dans le calme. Presque en silence. C'est LE lieu où conserver la mémoire, le point d'union. Ils se tiennent chaud au coeur, ils exorcisent ainsi. Je le laisse tranquille, cuver ainsi son chagrin avec sa tribu, collectivement. Et il rentre tard dans la nuit, les joues fraiches et humides.
Depuis 5 jours, mon coeur de mère se serre de l'immense (mais tout aussi inutile) compassion et empathie que j'ai pour les parents. Pour son jeune frère qui a malgré tout eu le courage d'aller passer son brevet aujourd'hui avec mon Numéro 2 qui est dans sa classe, qui est son pote aussi... Numéro 2 est plus extraverti que son frère, il lâche sa peine, chaque jour. Même si ça ne le soulage guère, même s'il trouve tout ça tellement injuste et inadmissible. J'aimerais que l'Ainé apprenne à lâcher ses peines également... ça l'aiderait, ça nous aiderait à l'aider...
La fin de mon année scolaire ne s'achève pas dans la liesse, loin de là... Elle est entâchée par la peine et la douleur des autres.
Je pense aux parents, et j'aimerais les soulager d'un bout de leur chagrin ,mais le chagrin ne se partage pas : il se répand. En cercles concentriques. Et il reste égal, au centre du cercle, à la proche périphérie, tout aussi intense même s'il est vécu par un plus grand nombre.
J'aurais une pensée douloureuse également lorsque seront affichés au lycée les résultats du bac, dans 1 semaine.
Je dédis mille étoiles à A. M. et mille soleils à ses parents et à son frère.
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