lundi, novembre 27, 2006

R.I.P (3/3)





Elle était sur la terrasse, assise sur le rebord de la jardinière en bois, le nez collé à la montagne toute proche, à regarder flotter les premiers planeurs de la saison. Ils passaient au dessus d’elle en sifflant doucement, à peine un pfffffff discret pour ces grands oiseaux aux plumes de fibres de verre. Elle était au calme, les garçons faisaient la sieste, dans deux semaines elle s’offrait un week-end à Paris. J'en crève de ne pouvoir dormir et me réveiller près de toi, lui avait-il soufflé, un soir, à l'heure où se transforment les citrouilles... C'est trop dur... La version officielle de son escapade amoureuse était tout autre, bien sûr. Ils devaient se retrouver à la gare de Lyon-Part-Dieu. Lorsqu’elle a vu son mari dans l’encadrement de la porte du salon, à la façon dont il se déplaçait lourdement, au regard de noyé qu’il avait, elle a su. Elle a compris. Qu’il savait. Elle avait ôté le mot de passe de sa boite à mels. Elle savait qu’il allait y faire un tour. Elle ne circulait jamais sur sa boite à lui, par respect, parce qu’elle s’en fichait. Mais elle connaissait son bonhomme, elle savait que lui irait regarder par le trou de la serrure. De la même manière qu' il avait l’habitude de farfouiller son sac à main ou d’ouvrir son courrier.

- C’est qui, L ?

En un dixième de seconde elle devait décider de la suite à donner à sa vie. A la vie de ses enfants. A la vie de son mari. A la vie de son amant. Elle disposait du pouvoir de vie ou de mort sur le quotidien de ces êtres. Effrayant. En avait-elle le droit ? Avait-elle le droit de les bousculer tous ? Après tout, peut être pouvait-elle s’accommoder de cette vie-là, superposée. Après tout, peut être que le bonheur en couple est un leurre, un mythe romantique, la grande utopie… Peut être devrait-elle faire un effort, être moins égoïste, le bonheur individuel ne concourt pas forcément au bonheur collectif… Tout ça lui a traversé l’esprit en un éclair. Elle venait de recevoir un mel de L., elle le savait. Elle savait également que ses messages étaient rédigés sans équivoque aucune, qu’il parlait de sa peau, de sa chaleur, du manque terrible d’elle. A sa merci.

- C’est un ami.
Bien piètre réponse dont bien sûr il ne se contenta pas.

- Un ami que t’envoie des mels comme ça ?

- Je ne sais pas, quel mel ? Qu’est-ce qu’il a écrit ? Lâche, lâche et curieuse.

Il lui a jeté sur les genoux une feuille de papier, en haussant la voix. Il criait presque et sa voix montait dans les aigüs.

- Tiens, je l’ai imprimé. Pourquoi il te parle comme ça ? C’est qui ? C’EST QUI ?

Elle a lu la feuille, l’a relu, elle n’a pas pu s’empêcher de sourire, touchée par la caresse et la grâce des mots. Son visage souriait toujours lorsqu’elle a levé les yeux vers son mari. Il n’y avait rien à ajouter. Rien à expliquer. Elle l’a vu tout d’un coup s’effondrer, perdre sa superbe, se dégonfler comme une baudruche d’anniversaire, qui l’instant d’avant tournoyait au dessus d’un goûter d’enfants joyeux et insouciants. Elle l’a vu désarticulé, s’écrouler près d’elle sur le rebord de la jardinière ; il a posé les questions classiques « depuis quand… » « est-ce que vous avez… » « Est-ce que c’est sérieux ? » « Est-ce que tu l’aimes ? »
A toutes ces questions elle aurait aimé lui répondre sans lui faire de mal. Mais ça n’était pas possible.
Puis est arrivée la question ultime et originelle à la fois, la question du désespoir et de l’espoir, celle qu’elle attendait, celle à laquelle elle brûlait de répondre depuis des années. Elle a parlé en le regardant bien en face, sadique, bourreau sans âme. Elle avait en mémoire tous ces jours sombres, ces années à faire semblant, ces années à trop porter toute seule. Trop seule. Alors, d’un coup, la locomotive décrocha ses wagons en pleine ascension. Avec fracas. Elle a ouvert tout grand les mains, a regardé le radeau dériver vers le large et son passager sombrer vers les hauts fonds.

- Parce que je ne t’aime plus.

C’était sorti comme ça, sans peine. La douleur était déjà partie depuis belle lurette. Anesthésiée depuis trop longtemps, elle avait perdu toute empathie envers lui. Asséchée. Elle n’arrivait plus à le ménager. Soeur Compassion ne répondait plus à l’appel.

Elle pensait qu’il la laisserait partir, qu’il respecterait sa décision, en adulte, qu’il la respecterait elle, qu’il l’aimait suffisamment pour cela. Mais elle s’était leurrée, il ne l’avait pas aimé pour elle mais pour lui-même, comme on aime son boulanger ou son boucher, pour les bons produits et les services qu’ils nous rendent. Elle avait ouvert la boite de Pandore, déchaîné l’hydre. Il allait faire exploser sa rancœur, sa rage, sa trahison, son abandon. Pour soulager sa peine, il allait la crier au monde, il allait se tordre, s’emmêler, s’enrouler dans la vengeance. Theatral. S’emmitoufler dans son dépit. Avec l’énergie dévastatrice du félin blessé. Attirer à lui toutes les attentions et toute la compassion du monde, éloigner d’elle la terre entière, la marquer du fer rouge de l’infamie en faisant le tour de son carnet d’adresse et pleurant sa misère.

Ainsi isolée, mise au banc même de sa propre famille, de ses amis, elle serrait les dents, muette à la barre, ne dévoilait rien des déguisements nocturnes de la bête blessée, des travestissements, du fantasme qui virait à la perversion. Elle serrait les dents, elle montait des barricades pour éloigner et protéger les enfants du pugilat, elle baissait la tête sous les accusations, sous les tentatives familiales maladroites.


- Tu n’as pas le droit d’abandonner ta famille pour une histoire de c…

- Reprend tes esprits…

Elle a fait son sac, a loué un studio dans lequel elle venait dormir la nuit lorsque les enfants étaient couchés ; elle était là à leur lever à 7h, au sortir de l’école, aux devoirs, aux douches, au coucher, « non chéri papa et maman vont manger plus tard ». Elle a continué à dire non, non, je ne reviens pas, non c’est fini, c'est trop tard. Non il n’y est pour rien, je ne t’aimais déjà plus avant. Et puis arrête de me suivre, tu es ridicule.
Pour apprendre à dire non, se désintoxiquer de la passivité et du fatalisme, elle s’est fait aider. Tous les mardis soirs elle allait parler beaucoup, pleurer encore plus, se mordre et se pincer les poignets. Regretter, ne pas regretter, tenir bon, apprendre à déculpabiliser, apprendre à vivre, tout simplement. S’écorcher les mains, s’arracher les doigts, se hisser hors du gouffre, se désengluer. Pour elle. Pour ses fils. Elle a parlé de la métamorphose de son mari, pour tenter de comprendre, si elle avait failli, quand et comment. On lui a parlé de «trans-générationnel», de cadavres dans les placards familiaux, «le travestissement ce n’est pas de sa faute, c’est plus fort que lui». Elle a effectivement découvert avec effroi des cadavres dans les placards de famille, des femmes et des épouses soumises aux fantasmes du mari, elle se rebellait, n’acceptait pas ça et pour cela les femmes de sa belle-famille lui en voulaient. Ont bien essayé de lui faire revenir la raison. Par les grands moyens. De force. L’hérétique à brûler. Avec des mots méchants comme des tisons sous les ongles. En vain, « je n’ai fait que traverser la vie de votre fils, je vous le rends, avec ses fardeaux de famille qui ne sont pas les miens. Réparez, c’est à vous ».

Son principal souci était alors de briser la chaîne du père aux fils, de rompre le passage de témoin, « ça ne passera pas par mes poussins, jamais », l’histoire n’est pas écrite, après tout. Sortir de la prédestination, de l’inéluctable. Les ôter de là, les sortir du jeu en ouvrant tout grand les portes de l’armoire. Dépoussiérer. Elle n’est même pas sûre aujourd’hui d’avoir réussi à briser la chaîne… seul leur avenir d’homme adulte lui dira un jour.

Pendant tout ce temps, elle puisait sa force dans les soirées qu'elle passait à la maison aux volets verts. Dans d’autres bras, à se nourrir d’un autre souffle. A construire une nouvelle vie sur des cendres, sur des cadavres encore chauds. Elle était apaisée, forte et calme. Avec lui, c’était mille lunes qui rencontraient mille soleils, elle était bulle qui éclate en poussière d’or . Elle était bulle légère, elle était poussière scintillante, elle était les nuages et le vent, le sable, la terre et l’éternité. Lorsqu’ils se retrouvaient, ils devenaient un, ils se mêlaient, se fondaient, rebondissaient, riaient et grandissaient ensemble. Ils devenaient géants. Elle redécouvrait le plaisir du toucher et de l’odeur, le plaisir de sourire, d’enlacer, de manger, le plaisir de son propre corps que de nouvelles mains défroissaient, patiemment, avec un amour infini …

A présent, elle pouvait affronter l’hydre et ses autres travaux d’Hercule à venir.

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jeudi, novembre 23, 2006

Sois belle...

Varions les activités (et de fait, les plaisirs) comme dirait une fidèle lectrice .

Une fois n'est pas coutume, je vous fais partager ma découverte du jour (parceque j'aime ne pas m'enerver toute seule, partager mes colères,vous vous en serez rendus compte..)

Au hasard de mes lectures professionnelles du jour, s'échappe un encarté. Que je ramasse machinalement, sans plus de curiosité que ça mais au moment de le mettre à la poubelle (je n'aime pas la pub...) je constate qu'il ne s'agit pas de pub mais d'un beau livret tout blanc, titré "Cosmétiques ? Confiance !"

Comme je suis un peu susceptible sur le sujet (pensez-donc, maintenant que je me mets à faire mes patouilles moi-même, j'avoue, en bonne partie pour le coté fun de l'activité !) Hin hin, lisons donc, tiens, qu'ont donc de si important à me dire La Fédération des industries de la parfumerie et le Syndicat Français des Produits cosmétiques et de Toillette ?

Je vous laisse découvrir l'objet .
Des questions-réponses destinées à rassurer le consommateur, ou plutôt la consommatrice qui devient suspicieuse à force de lire et d'écouter n'importe quoi ! Il était temps que les fabricants interviennent et remettent les choses en ordre, non mais ! Ainsi, nous apprennons que meuh non les parabènes n'entrainent pas de risques de cancer, meuh non le phénoxyéthanol n'est pas nocif, et que non, les phtalates à doses utilisées en cosmétiques ne sont pas dangereux, pas plus que les sels d'aluminium des déodorants. Ainsi que d'autres vérités qu'il était vital de rétablir !!

Autre son de cloche , et aussi un petit morceau sur le site du ministère de la Santé, "principaux faits marquants en vigilance des produits de santé" (page 2, pas la peine de vous taper les 42 pages pour trouver de quoi je parle) et un paragraphe sur le phénoxyéthanol.

Surtout, j'aime me donner des frissons et me faire peur en allant chez Vigitox (de Greenpeace) y lire leur guide Cosmetox.

On ne peut pas se méfier de tout, ni vivre en autarcie, mais au moins, soyons informé(e)s, qu'on puisse faire nos choix en toute connaissance de cause !

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mardi, novembre 21, 2006

R.I.P. (2/3)





Certains soir, son mari faisait une tentative de (ré)conciliation, du canapé au lit conjugal.

- Tu me manques, tu vois, j’ai quitté mes collants, je veux dormir avec toi. Disait-il en se glissant près d’elle.

Pour ne pas donner d’explications, par habitude, par lassitude, par compassion… elle laissait faire, les dents serrées. Sans un mot. Sans même un soupir. Les yeux grands ouverts fixant l'angle du mur. Vide et sans âme, aussi indifférente que conciliante. Il se donnait du mal... Puis, il basculait rapidement à sa place, tendait la main vers elle, lui caressait la hanche et lui disait des mots qu'elle ne souhaitait pas entendre. Elle a du répondre, un minuscule "moi aussi" de circonstances. Des mots qui coûtent, qui griffent la gorge.

Elle se retournait et au bord du lit face au vide, continuait de serrer les dents, les yeux toujours ouverts sur la nuit, pendant qu’il s’assoupissait, la main posée sur sa cuisse. Sans bouger, elle attendait que la respiration se fasse régulière et elle se levait doucement, laissait glisser la main endormie sur le drap encore chaud. S'est-il jamais douté de quelque chose ? En tous cas, il n'a jamais rien dit, jamais fait aucune remarque sur son manque d'enthousiasme, tout à son...

Elle s’enroulait d’une couverture, sortait silencieusement de la chambre et traversait l’appartement jusqu’à la terrasse, allumait une cigarette en soupirant longuement. On ne l'y reprendra plus, se promettait-elle, la prochaine fois elle devra sortir une excuse magique de sa besace. Mais non, les fois suivantes, elle fera la même chose. Jusqu'au dernier jour.
Si elle avait disposé de brins d’orties ou de branches épineuses, sûr qu’elle se serait flagellée, comme dans Diderot, jusqu'au sang. Pétrie de culpabilité, du poids de la dissimulation, de la honte et du mépris d’elle-même, elle allait se remettre à ses tics d’enfant, de l’ongle du pouce et de l’index droit elle tordait un petit pli de peau à l’intérieur du poignet gauche, là où l'épiderme est si fin et où les veines sont bleues. Automutilation. Comme l'autoflagellation purificatrice. Longtemps elle en gardera au poignet les bleus révélateurs d‘angoisse, parfois même quelques traces de morsures redemptrices …

Avant de retourner se coucher, elle faisait un détour par son ordinateur, envoyait un e-mail, envoyait des mots tendres à l’absent et s’en allait rejoindre celui à qui ses mots n’étaient plus destinés depuis longtemps.

Elle avait des réunions tard le soir, le CA de la crèche parentale lui prenait du temps, elle ne rentrait jamais avant minuit. Lorsqu’à 20h30 elle prenait sa voiture, discrètement pimpante, ça n’était pas pour rejoindre les autres mamans de l’association. Non. Elle prenait à gauche au feu, sortait de la ville, roulait une dizaine de kilomètres à travers la forêt, le cœur battant. Elle se garait à l’entrée d’un village, dans un endroit discret, à l'arrière du bar-tabac-dépôt de pain fermé pour la nuit et poursuivait à pieds les quelques mètres de ruelle jusqu’à la maison aux volets verts.


Elle retombait en adolescence, vibrante, dans ces émotions fortes et exacerbées propres aux premiers amours. A son âge ! ça les faisait rire lorsqu’ils en parlaient, tout étonnés l’un comme l’autre de n’avoir pas été éteints par la vie, de se retrouver vivants sous la cendre. Alors ils en profitaient, mieux qu’à 15 ans, mieux qu’à 20 ans, avec la maturité en plus, avec cette certitude que les instants doivent être saisis lorsqu’ils se présentent. Opportunistes et gourmands, avides de rattraper du temps et de la joie. Du temps perdu. Ils se mêlaient l’un l’autre, ils se reconnaissaient, ils n’avaient pas besoin de compromis entre eux. Les mots qu’ils disaient, les gestes qu’ils faisaient leur échappaient, comme mus par un instinct qui leur était propre. Ces soirées, ils les passaient avec l’appétit de retrouvailles interdites mais également enroulés sur le canapé à écouter de la musique, à discuter à voix basse leurs doigts entre-mêlés (pourquoi parler fort lorsque l’autre est si proche…)

Et, à l’heure de Cendrillon, leurs regards se troublaient, leurs mains cherchaient encore la peau de l'autre, volettaient, y papillonnaient, leur corps s‘agrippait l’un à l’autre. Prendre du rab’, vite, faire des réserves pour tenir jusqu’à la prochaine fois. Mais les baisers, les caresses, comme le sommeil, ne se stockent pas, on ne prend pas de l’avance pour demain maigre. C’est à consommer sur place. Elle se levait, partait à reculons, les yeux embués, une douleur de plus en plus intense à la poitrine, la gorge nouée. Inévitable revers, elle connaîtra avec lui le manque physique de l’absence. Comme une amputation, sans anesthésie ; chaque fois renouvellée. L’esprit fonctionnait au ralenti, privé de son carburant ; un trou dans la poitrine, le souffle trop court, qui ne permet plus au sang l’oxygénation nécessaire. Physiquement douloureux. A hurler, à tout envoyer valser par dessus les moulins. A s'en mordre les poignets.

Elle pleurait tout le trajet du retour, elle savait que déjà il lui envoyait un e-mail lui disant la joie et le déchirement de leurs rencontres furtives. C’est l’ombre d’elle-même qui mettait la clé dans la serrure de l’appartement familial, c’est son fantôme qu'elle glissait dans le lit, portant sur sa peau l’odeur d’un autre. Elle se couchait en chien de fusil, le visage sur son avant-bras, encore un petit bout de lui… Et elle s’endormait ainsi. Elle resterait endormie jusqu’à leur prochaine rencontre. Dans trop longtemps.

Elle n’en pouvait plus du manque de lui. Elle n’en pouvait plus de la cohabitation mensongère. Mensonges et faux-semblants. Faire croire qu’elle acceptait les délires fantasmatiques de son mari (d’ailleurs, ils ne l’atteignaient plus, même la découverte de sa réincarnation l’avait laissée de marbre), faire croire qu’elle était une épouse compréhensive et toujours présente… laisser croire qu'une fois encore elle serait là, patient garde-fou, l'indispensable alliée.

Souvent elle s’enfermait dans les toilettes avec son portable pour envoyer et lire des textos. Elle profitait de la moindre occasion, d'une absence même brève pour l' appeler, lui parler, entendre sa voix, son souffle à travers l'appareil, mettre à nu plus de souffrance, se faire mal. Lui faire mal. Faire mal à tous.

Elle n'en pouvait plus. Elle allait donc commencer à semer des petits cailloux, les petits cailloux du doûte, des repères, qui feraient tilt, croyait-elle, dans l’esprit de son mari. Lui qui disait toujours «je te connais tellement bien que je saurais tout de suite si un jour tu avais quelqu'un d'autre dans ta vie». Mais pour cela il faut écouter l’autre, être attentif…

Au fil des jours, ses petits cailloux devinrent plus gros… de plus en plus gros… jusqu’à devenir pavé dans la mare, météorite dans l’océan, tsunami, maelström,

Big Bang définitif.

(à suivre)

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lundi, novembre 20, 2006

Trou normand...





En attendant demain, c'est soirée karaoké !

Elle avait des bagues à chaque doigt,
Des tas de bracelets autour des poignets,
Et puis elle chantait avec une voix
Qui, sitôt, m'enjôla.

Elle avait des yeux, des yeux d'opale,
Qui me fascinaient, qui me fascinaient.
Y avait l'ovale de son visage pâle
De femme fatale qui m'fut fatale {2x}.

On s'est connus, on s'est reconnus,
On s'est perdus de vue, on s'est r'perdus d'vue
On s'est retrouvés, on s'est réchauffés,
Puis on s'est séparés.

Chacun pour soi est reparti.
Dans l'tourbillon de la vie
Je l'ai revue un soir, hàie, hàie, hàie
Ça fait déjà un fameux bail {2x}.

Au son des banjos je l'ai reconnue.
Ce curieux sourire qui m'avait tant plu.
Sa voix si fatale, son beau visage pâle
M'émurent plus que jamais.

Je me suis soûlé en l'écoutant.
L'alcool fait oublier le temps.
Je me suis réveillé en sentant
Des baisers sur mon front brûlant {2x}.

On s'est connus, on s'est reconnus.
On s'est perdus de vue, on s'est r'perdus de vue
On s'est retrouvés, on s'est séparés.
Dans le tourbillon de la vie.

On a continué à toumer
Tous les deux enlacés
Tous les deux enlacés.
Puis on s'est réchauffés.

Chacun pour soi est reparti.
Dans l'tourbillon de la vie.
Je l'ai revue un soir ah là là
Elle est retombée dans mes bras.

Quand on s'est connus,
Quand on s'est reconnus,
Pourquoi se perdre de vue,
Se reperdre de vue ?

Quand on s'est retrouvés,
Quand on s'est réchauffés,
Pourquoi se séparer ?

Alors tous deux on est repartis
Dans le tourbillon de la vie
On à continué à tourner
Tous les deux enlacés
Tous les deux enlacés.


Jeanne Moreau, BO de Jules et Jim

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vendredi, novembre 17, 2006

R.I.P (1/2 ou 3, on verra...)

Cet après-midi là, elle s’en souvient. Elle travaillait à son ordinateur quand la petite icône a frétillé en bas à droite de l’écran. Machinalement, elle a cliqué pour ouvrir la messagerie. C’était un message de E., un ami de longtemps… du temps d’avant, du temps où elle était encore elle-même, pétillante et optimiste. Perdus de vue, retrouvés au hasard des rues … E., du temps où elle vendait ses mots, une autre vie.

"L. jouit d’une liberté toute neuve et me demande ton adresse mel. M’autorise-tu à lui communiquer ?"

Et là, quelque chose s’est produit. Imperceptible, invisible à l’œil nu. Le temps d’une éclipse, elle est passée dans un monde parallèle. Transfigurée. Comme la première neige qui ouate et assourdit les bruits de la vie. Dès cet instant, plus rien ne sera jamais comme avant.

L. était le jeune maquettiste du journal, dans sa vie d’avant, d’encore avant. Elle est restée figée devant son écran, sans bouger, pour ne pas laisser s’échapper son bonheur. Elle a relu les mots, relu encore avant de répondre.
Répondre.
"Mais oui, bien sûr, pourquoi pas ?"
Envoyer.
Ainsi donc, il se souvenait d’elle quinze ans plus tard… ainsi donc, non seulement il s’en souvenait mais il cherchait même de ses nouvelles…

Elle encore tout à sa surprise que déjà elle recevait un nouveau message… alea jacta est. Et alors, plus rien ne fut jamais comme avant.

Elle est morte. Elle est morte quelque part entre mars et mai 2002. Requiescat in pace.

Elle est morte pour mieux ressusciter, phoenix immense et invincible.
"Tu crois que mon amour a fondu sur toi comme un éclat de feu, qu'il aurait pu brûler un coeur autre que le tien, tu te trompes, il te cherchait, te guettait, t'avait dessiné à grands traits, il retenait sa flamme, il piaffait, protestait, il ne te trouvait pas, il s'énervait alors, il me chauffait le sang, me brûlait les yeux..." Pancol Katherine, Et monter lentement dans un immense amour...

D’e-mail en e-mail, ils se sont reconnus, découverts et redécouverts, ils sont allés de surprise en surprise, ils étaient un. Un divisé en deux êtres. Gagnants de la chasse au Trésor. Ils ont découvert qu'ils avaient besoin l'un de l'autre, de se lire, de se penser, de se rêver. Ils se disaient que quinze ans auparavant ils s’étaient frôlés, à peine, même pas… juste touchés des yeux, de l’âme. Trop furtivement. Ils ont accepté sans trop d'étonnement ce qui leur arrivait… C'était une évidence. C'était même inévitable. Ce qui leur était arrivé quinze années auparavant, qu’ils avaient laissé échapper, tenté d’oublier en se construisant à perdre haleine une nouvelle vie. Conscients, ils se sont laissés glisser l’un vers l’autre, avec parfois des réticences, des freins, des ralentissements de culpabilité… des douleurs au cœur. Toujours, elle était broyée de l’intérieur, sa cage thoracique devenue trop étroite pour respirer en grand ce bonheur tout neuf, trop frais. Surtout ne pas le laisser passer à nouveau. Déterminée. Forte de cette certitude.

Alors, elle juxtaposait deux vies… celle dans sa tête, et celle du quotidien, lorsqu’elle rentrait chez elle. Mariée. Toujours. A 90%. Fermer des portes, en ouvrir d’autres toutes grandes pour respirer l’air du dehors. Avec la discrétion qui convient… Etre double et mentir pour sauver sa peau.

L’endroit s’appelait Le Café des promeneurs… il a fermé quelques mois plus tard, charmant petit restaurant dans un jardin particulier, à l’ombre des platanes. La première fois, ça lui a fait tout drôle. Elle n’avait jamais oublié son visage. Il avait l’air si triste… tout froissé de l’intérieur, chiffonné, égratigné, cabossé par sa vie. Elle aussi, parait-il. Elle bu ses paroles, elle l’a caressé des yeux, troublée. Il a baissé les siens souvent, elle regardait ses mains, ils ont parlé de choses et d’autres, pas du tout de ce dont ils parlaient par mel. Leur langage était double. Il y avait celui des mots anodins, qui racontent froidement le quotidien, et tes enfants, ça va ? tu bosses cet après-midi ? Il y avait l’autre langage, celui des corps qui s’appellent, qui hurlent en silence de la souffrance de ne pouvoir se toucher, corps qui s’évitent, qui se cognent, se frôlent, se respirent, des regards qui se cherchent, s'entremêlent et se fuient, des doigts qui glissent sur la table, des mains qui s’étendent sans oser, du verre qu’on caresse à défaut, la fourchette qu’on tripote ; l’estomac noué, prêt à faire le saut dans le vide.

Bon ben on remet ça un jour, ça m’a fait plaisir…

Et puis plus rien. Et puis tout. Comme on se laisse mourir. Pour mieux vivre. Tout d’un coup, ils ont parlé le même langage. Tout d’un coup ils se sont retrouvés à l’unisson, tout simplement. Ils jouaient la même musique, sur le même tempo. Accord parfait. Ne pas laisser s’échapper l’un l’autre une deuxième fois, ont-ils murmuré ensemble. Ils se tenaient chaud l’un à l’autre. Ils ont mêlé leurs souffles désespérés, au bord du précipice. Il était si chaud… si doux… juste comme elle s’y attendait. Elle avait trouvé la paix. Enfin.

Elle a repris sa voiture pour rentrer chez elle. Elle n’a rien dit. De toutes façons, elle ne parlait plus à son mari, c’est lui qui parlait beaucoup, il était heureux de pouvoir vivre son travestissement au moins chez lui et être accepté par sa femme. Il parlait beaucoup, elle écoutait.
Elle n’a rien dit. Pas tout de suite. Des choses à mettre en place auparavant. Pas tout de suite.

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jeudi, novembre 16, 2006

Interlude

L'image vient de . Si j'avais eu le temps j'aurais mis aussi la musique !
*
*
*
Je me plie de bonne grâce à l'invitation-questionnaire de La Troll. Après tout, j’aime beaucoup lire chez les autres, ce ne serait pas juste de ne pas faire l'exercice moi-même.


1* Attrapez le livre le plus proche, allez à la page 18 et écrivez la 4ème ligne :
« Donc, l’assistant social était son sosie ; tout le contraire de madame Dutruc. » (Faïza Guène, Kiffe kiffe demain, Livre de poche)

*2* Sans regarder l'heure, quelle heure est-il :
9h20

*3* : Vérifiez :
9h21 (yeeeesss, trop forte ! )

*4* Que portez vous ?
Bottes à lacets genre patins à glace, les trucs qu’on passe des heures lacer le matin… jupe beige, T-shirt et gilet kaki mais j’ai des doutes quant à l’allure finale, pas eu le temps de me regarder en pieds ce matin !

*5* Avant de répondre à ce questionnaire, que regardiez-vous ?
la pile de livres à ma droite en attente de traitement informatique … (chuis au boulot…)

*6* Quel bruit entendez vous à part celui de l'ordinateur ?
Des élèves qui essaient de chuchoter mais qui n’y arrivent pas du tout, les touches de clavier des ordinateurs utilisés par les élèves.

*7* Quand êtes-vous sortie la dernière fois, qu'avez-vous fait ?
Euh… aller faire les courses hier ça compte ? Ou sortie-sortie ? Si c’est ça c’est ciné, heu… j’ai un trou, le dernier film de Woody Allen avec Machine, là, mais si, vous savez, la jeune blonde, celle de… aaaaah, purée, j’m’en souviens pas, mais si, la fille qui jouait avec Machin dans Lost in Translation…

*8* Avez-vous rêvé cette nuit ?
Probablement, mais aucun souvenir, aucune trace… C'est ce WE que j'ai rêvé à un truc bizarre dont je me suis souvenue : on avait invité Pete Doherty à la maison (les fan de magazines pipole sauront de qui je parle, les autes, allez faire un tour dans la salle d'attente du dentiste le plus proche de chez vous !) et on avait planqué les bouteilles d'alcool ! Bref, du grand n'importe quoi, j'aime pas du tout ledit Pete Doherty (que je ne connais pas personnellement d'ailleurs !)

*9* Quand avez-vous ri pour la dernière fois ?
En écoutant la radio ce matin dans la voiture
*10* Qu'y a t'il sur les murs de la pièce où vous êtes ?
Une affiche pour un concours de scénario contre les discriminations, un grand bandeau de prises électriques, une affichette au dessus de la photocopieuse « 0,10 cts d’euros la photocopie », une horloge type Administration publique (déplacez-vous dans votre administration la plus proche et vous verrez de quoi je parle !!) , des traces de vieux scotch fondu par les ans sur le crépi léger coquille d’oeuf-beurk-type Administration publique, une affiche de Marlon Brando jeune ( ??!!), une affiche de concours « devenez critique de films d’art et d’essai», une affiche « Salon de l’étudiant » prochainement, j’arrête là, c’est déprimant !

*11* Si vous deveniez multimillionnaire dans la nuit, quelle est la 1ère chose que vous achèteriez ?
Rien d’original, je le sens…

*12* Quel est le dernier film que vous ayez vu ?
Nous y revoilà ! Voir # 7 mais j’ai toujours pas retrouvé le titre du film !!

*13* Avez-vous vu quelque chose d'étrange aujourd'hui ?
Timing nickel ce matin, les nains n’ont pas traîné !

*14* Que pensez-vous de ce questionnaire ?
Quand je me relis je trouve ça soporifique au possible et je me demande qui ça peut bien intéresser !!
Ah tiens, y a pas de question 15 ?

*16* Quel serait le prénom de votre enfant si c'était une fille ?
Celui qu’elle a, depuis le temps que j’attendais de pouvoir le caser !

*17* Quel serait le prénom de votre enfant si c'était un garçon ?
J’en ai déjà 3 et j’ai épuisé mon stock de prénoms de garçons, ça va aller, merci bien !

*18* Avez-vous déjà pensé vivre à l'étranger ?
Oui. Fait. Quelque part en Afrique, en Italie et en Grande-Bretagne. Et dans Le Pas-de Calais.

*19* Que voudriez-vous que Dieu vous dise lorsque vous franchirez les portes du Paradis J’hésite entre : « Allez, chuis trop bon, viens quand même. » ou alors « tadaaaaaa !!! »

*20* Si vous pouviez changer quelque chose dans le monde en dehors de la culpabilité et la politique que changeriez-vous ?
Que tout le monde soit fait sur le même modèle que moi ;-))

*21* Aimez-vous danser ?
Chez moi oui, en public non !!

*22* Georges Bush ?

*23* Quelle est la dernière chose que vous ayez regardée à la télévision ?
Je n’ai plus la télé depuis 2 mois, un peu parce qu’on a déménagé et qu’installer une vilaine antenne sur notre jolie maison ne fait pas partie de nos priorités, aussi parce que nous en avions assez de décoller à la truelle les ados glués sur le canapé à l’heure des repas ou des devoirs ou du débarrassage de lave-vaisselle ou de la douche, et puis aussi par défi personnel, « même pas cap ?! »

*24* Quelles sont les 4 personnes qui doivent prendre le relais sur leur blog ?
Allez, ROSALIE, LILIDUCIEL, BERANGERE et ISADORA. Et les autres aussi !! Sans rancune les filles ?!

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lundi, novembre 13, 2006

A cloche pied...

Vous vous ètes dit que peut être vous deviendrez amies. Non, tout de même pas, au mieux, copines, peut être même que vous recueillerez quelque confidence entre filles, parfois… Ou, hypothèse pessimiste, que vous ferez ce chemin de vie ensemble en souriant, à défaut de le faire main dans la main. Hypothèse très pessimiste mais non négligeable. Après tout, ça ne peut pas mal se passer, vous êtes pleine de bonne volonté, des bonnes intentions à en paver dix enfers… Après tout, vous êtes parties toutes deux pour partager la même route quelques années durant. Trèèèès longtemps, l’espérez-vous. Et puis vous l’aimez déjà, comme ça, a priori, vous l’aimez. Donc elle vous aime aussi. Par ricochet, par procuration, forcément, elle vous aime.

Vous pensiez combler un vide, à la droite du père ; vous êtes arrivée sur la pointe des pieds pour ne pas brusquer, d’ailleurs on vous avait ouvert la porte. Vous pensiez combler un vide… mais vous avez pris une place qui ne vous était pas destinée. Vous flottiez sur votre nuage en barbe-à-papa, telle le marchand de sable, avec sa flûte et son écharpe. Mais les enfants n’ont pas toujours sommeil, malgré votre poudre d’amour et votre bonne volonté. Simplement, vous étiez à la mauvaise place, c’est tout. Au mauvais endroit au mauvais moment. Juste un malheureux concours de circonstances, ça n’a rien de personnel. Vous étiez là, alors vous avez pris les coups à la place d’une autre, vous avez cristallisé les reproches qu’on n’ose dire en face, mais vous les dire à vous, c’est plus facile… vous avez synthétisé des douleurs qui ne vous concernaient pas. Vous êtes entrée de plain pied dans une histoire qui n’était pas la votre et qu’il n’était pas de votre ressort de guérir.

Comme une insomnie, vous vous êtes retournée dans un sens, sur le ventre, non le sommeil ne vient toujours pas, sur le flanc gauche, une jambe repliée sous l’autre et le bras sous la joue… Pas mieux… Sur le dos peut être, même si ce n’est pas votre position habituelle, peut être que le sommeil viendra de cette façon… Vous êtes même prête à dormir dans la posture inconfortable si le sommeil ne peut venir qu’ainsi… Guère mieux.

Au fil du temps et des essais infructueux, vous vous êtes émiettée, par petits morceaux. Vous avez enterré des bouts de vous pour que la douleur ne les atteigne plus ; vous avez reflué vers l’intérieur de vous-même, contre votre gré, pour ne plus laisser de prise. Mais ça ne vous ressemble pas, ça n’est plus vous, vous commencez à haïr ce que vous devenez… trop éloignée. Alors vous refaites surface, régulièrement, maladroitement; votre amour est immense et invincible.

Votre bonne volonté ne saurait panser aucune blessure, ni faire taire aucun oedipe. Comme s’il s’agissait de protéger ce qu’il y a de plus cher. Mais cette fois, ce plus cher est également votre plus cher à vous. Et là le bas blesse, PLUSCHER ne saurait être partagé. Mais vous êtes juste au mauvais endroit. Il n’aurait du y avoir personne mais vous êtes là, vous, vous plus qu’une autre, vous à la place d’une autre. A la place de rien. Mieux aurait valu rien. Rien plutôt que vous. Ah, vous pensiez naïvement que la place était libre…

"Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force ni sa faiblesse ni son cœur et quand il croit ouvrir les bras son ombre est celle d’une croix."

Vous avez ouvert grand vos bras. Vous avez insisté, persévéré, patienté, sommeillé, vous avez imploré, justifié, questionné... Avec toujours la même réponse, immuable, implacable, douloureuse. Vous êtes revenue à la charge, les bras toujours grand ouverts. Vous nagez dans le bonheur... nager en eaux hostiles, vous connaissez, ça ne vous effraie pas, voire ça vous motive. Prouver, toujours. Nager à contre-courant, même. Mais cette fois vous avez ce costume de bain qui gène, qui parfois s’emplit d’eau et vous entraîne vers le fond… Alors vous battez des bras, vous remontez, vous éclaboussez, vous vous débattez, parfois vous êtes tentée de repartir vers le rivage mais vous persistez quand même. Vous n’appelez même pas à l’aide ; vous portez ce costume de bain, le costume du personnage le plus laid de la littérature enfantine, le personnage le plus spontanément haïssable des contes de fées…

Celui de belle-mère….

La marâtre…

Et maintenant, débrouille-toi avec.

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jeudi, novembre 09, 2006

Une journée rare...


Comme j'aimerais en connaitre plus souvent. Je me demande si ce n'est pas plutôt une question d'état d'esprit, d'appréciation subjective...

Hier mercredi... une journée où tous les timings prévus se sont enquillés parfaitement, où j'ai même eu le temps de trainer Lapin au supermarché, passer au Biomachin acheter et rassembler tous les ingrédients pour mes petites tambouilles-beauté (oui, oui, je patouille en ce moment, je fais l'apprentie-sorcière avec des huiles vierges, des huiles essentielles, des machins et des trucs qui sentent bon et qui font la peau douce !), j'ai même eu le temps de stériliser les flacons pour leur nouvelle vie, j'ai eu le temps de me poser et boire un thé blanc tranquillou en feuilletant un certain hebdo du mercredi et en grignottant un paquet entier de Pé**to au chocolat... Je ne me suis même pas affolée devant les piles de linge à plier... bref, total zénitude...
Top sérénité... A peine entamée par, à 20h40 au moment du coucher...

- maman... j'ai mal là, regarde. Et ça me fait très mal quand je marche.

Et là... y a un trou dans mon espace-temps zen... un trou de 3 h... Plus rapide que mon ordinateur, mon cerveau est passé de l'état de veille à la rentabilité optimale. Appeler le 15, finir aux urgences pédiatriques 20 km plus loin (c'est rien, nous connaissons le chemin...) Tripatouillages des parties intimes de Zébulon par pédiatre, attendre le chirurgien... puis l'urologue qui arrive tout empreint du froid du dehors... beaucoup de peur pour moins grave qu'on avait cru. ("maman, y vont me castrer et je pourrais plus avoir de bébés ?" "alors pourquoi y dit qu'on va peut être m'opérer là ?") Ne pas avoir de bébé était sa préoccupation majeure, à mon Zébulon de bientôt 9 ans, ça m'a touchée... entre celui qui veut être Instit de maternelle ou rien, et celui qui craind ne pas avoir d'enfants, finalement ils ne sont pas si mal que ça dans leur famille format XXL !

Retour à la maison à minuit, petit dormi de 4h pour moi et même pas grognon ce matin ,dis-donc !

Aujourd'hui aussi, journée zen... (en plus c'était Couscous à la cantine aujourd'hui, j'ai vraiment trop de chance, ça aurait pu être Purée-viande au jus... comme lundi !) Je crois que la fatigue m'hébête,à moins que ce ne soit le froid qui déjà ralentisse mes fonctions non vitales...
Temps gris, fait froid, mon portable est déchargé et j'ai perdu le chargeur... mais chuis zen... ça m'inquiète, c'est pas normal !

lundi, novembre 06, 2006

Dimanche matin, l’empereur, sa femme et le p’tit prince…


Entrez, entrez, ne restez pas dehors il fait un froid de gueux. C’est gentil d’être passé pour le petit déjeuner du dimanche matin, vous qui aimez les grandes tablées, les ambiances familiales chaleureuses et les repas bouillants de vie.

Un par un, ou par deux, ils arrivent. La horde des Remuants. Toujours d’excellente humeur au lever, que ça vous donne tout de suite envie de faire plein d’autres enfants.
- Bonjour mon chéri.
- Grmpff…
- Tu as bien dormi ?
- Grmmpff…

Principe numéro 1 : on ne parle pas à un ado avant midi. Pas la peine. Il n’est pas encore branché. Sauf…

- Y a kça comme céréales ?!
- Ben, tu as le choix entre 3 variétés, ça te va pas ?!!
- Pourquoi t’achète JAMAIS des VRAIES céréales de marque, chez papa il en a toujours des Vraies elles sont meilleures.
- (surtout, résister très fort à la tentation légitime de la remarque acerbe…) Ben justement, si tu en as chez lui 2 fois par mois, y a pas besoin d’en avoir ici aussi (cassééééé !)
- Hin hin hin… (Principe numéro 2 : l’ado n’a pas le sens de l’humour. Si toutefois vous pensiez lui en avoir fourni un à la naissance, soyez sûr qu’il l’aura perdu en cours de route. En tous cas ce qui est sûr, il n’aime pas le vôtre.)

Et là, la horde au presque complet, les pyjamas trop petits, les cheveux en bataille, les sans pantoufles, les sans haut de pyjama, les avec peignoir, les pas réveillés, les trop réveillés… tous ont en commun d’appartenir à la version humaine du criquet pèlerin. Les boites de céréales volettent par-dessus la table (« P*** t’es trop c*** toi, t’as tout fini ! » « t’avais qu’à te servir avant ! et pis c’est pas vrai il reste des miettes, héhéhé » ; s’ensuivent parfois quelques coups vengeurs…) Le lait chaud circule (« haaaan, y m’en reste plus, t’étais obligé de remplir ton bol sans penser aux autres ?! »), la plaquette de beurre subit un assaut dont elle ne se remettra pas, trouée, cabossée, ravinée ; la confiture coule à flot (Oups, mon pot de confiture de pêches de vignes acheté plus de 4 euros chez les producteur au marché de produits du terroir, un quart du pot qui se répand sur une tartine comme la lave du piton de la Fournaise sur le bord Est du Dolomieu)

- euh, Aîné, tu es obligé de verser la confiture comme ça, tu peux pas prendre une cuillère, regarde tout ce que tu mets !!
- ben quoi, elle est bonne.
Belle sculpture, bel équilibre des formes, jaune et rose, un centimètre de pain surmonté de deux centimètres de confiture. De la belle ouvrage, assurément.
Un Lapin qui trottine de l’un à l’autre, quémandant et grappillant au passage céréales et morceaux de pain.

Puis, soudain, un silence. On entendrait les mouches voler s’il n’y avait le bruit régulier des mandibules. Un instant de grâce qu’il faut saisir vite, les regarder tous à table, les cheveux longs, les cheveux courts, assis sur leurs chaises colorées, ces adultes en devenir, ces êtres que nous avons la charge d’élever, de récalcitrantes pâtes à modeler, des adultes qui sauront trouver leur place… Ce bouquet pétillants de feux follets à canaliser tous les jours, sans répis aucun, avec une énergie dont je ne me serais pas cru capable… Les à moi, les pas à moi, la à nous, tous ceux-là avec chacun une histoire personnelle torturée et que nous avons décidé de réunir en une seule famille, par amour. Par utopisme peut être aussi. Pêché d’orgueil que de croire qu’on peut tous les jours mélanger les douleurs et croître sereinement. Pêché d’orgueil que de penser qu’on peut s’emplir les bras de 4 ado/préados sans mal, sans dégâts, sans cris, sans bagarres, sans larmes.

Près d’un kilo de pain maison, d'un litre et demi de lait chaud, d’un paquet de céréales, d’un litre et demi de jus d’orange, de quelques cuillères à soupe de cacao en poudre plus tard, la nuée s’est envolée. Disparue comme elle était venue. Discrètement, le ventre plein, chacun a déserté la table, laissant le soin «au dernier» de faire la voiture balai. C’est à ce moment-là qu’émerge Fille-presqu’adulte, il est 10h.

- Y a rien à bouffer.
- Si, il y a du pain, des céréales, du lait…
- Y a rien à bouffer, donc.
Eclate un juron tonitruant.
- P*****, LES GARCONS VOUS ETES DES PORCS, C’EST TOUT COLLANT SUR LA TABLE, J’EN AI PLEIN LES COUDES !
- T’avais qu’à te lever plus tôt ! répond une voix téméraire dans le lointain.

Ça y est, la journée commence, les guerres fratricides sont déclarées pour les heures à venir. Rattraper les troupes de pillards d’Hannibal avant qu’ils ne partent s’égayer vers d’autres ravages. Faire pour cela le tour des chambres.

- Venez débarrasser la table du petit déjeuner, vos bols et vos saletés.

Rester sourds aux récriminations

- C’est pas moi qui ai pris des céréales en dernier c’est pas à moi de les ranger
- C’est pas moi qui ai sorti le lait c’est pas à moi de le ranger.
- C’est pas moi qui ai fini le jus d’orange c’est pas à moi de jeter la bouteille.
- Zébulon, p***, t’es un porc, y a du chocolat partout, tu nettoies.
- Je nettoie jusque là, après c’est plus ma place, c’est pas mes cochonneries, je nettoie pas.

Pour l’esprit d’équipe, c'est raté. Superviser le ballet des opérations, l'oeil de lynx et le verbe prompt. Rattraper au vol les mains lancées négligemment vers le voisin, les pieds qui s’égarent devant le pied de l’autre, les coudes qui s’oublient dans les côtes du voisin. Regarder en soupirant la table zébrée de traces d‘éponge aux motifs propres à chacun. Zig zag, cercles, volutes, serpents… Le sol reste jonché de miettes de céréales, de bouts de pain suçottés-machouillés-piétinés, qui feront tout à l’heure le bonheur d’un chat. Et se dire que, ma foi, encore ce matin on ne s’en sort pas trop mal !

- Vous reprenez un peu de café ? Nooon, vous n’allez pas repartir déjà ?! La prochaine fois restez dîner !

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