lundi, juillet 16, 2007

Adventice

Une adventice est, en botanique, une espèce végétale étrangère à la flore indigène d'un territoire dans lequel elle est accidentellement introduite et peut s'installer.
En agronomie, ce terme désigne une plante herbacée ou ligneuse indésirable à l'endroit où elle se trouve. Il est aussi utilisé comme synonyme de mauvaise herbe. (Wikipedia)

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Bout d'Elle...

J'ai récupéré ma nichée. Nos poussins. Tous. Ravie. Comblée. Tellement heureux de se retrouver à nouveau ensemble, ici. Chez nous. Chez eux. Ma joie de les revoir a hélas été plombée par la réapparition des scories. Des herbes indésirables qui ressurgissent malgré les labours, alors que l'on pensait les avoir oubliées, éradiquées, déracinées pour toujours. Ces herbes de friches qui se jouent de la chaux, des désherbants et de la fourche. Qui vous défigurent une belle pelouse obtenue à l'huile de coude et à la patience.
Ces indésirables aux longues racines
pivotantes. Laiterons, cirses, rumex, ou la toxique phytolaque.

ELLE a réapparu lorsque les garçons m'ont dit :

- Papa t'attend à la porte, il veut te voir.

Et quand je l'ai vu, j'ai su que ça recommençait. Que tout allait encore être à refaire. Souvenez-vous, ses histoires d'ELLE. Et les dégâts collatéraux qu'Elle traine, éponge depuis plus de cinq années. Relisez ces 3 épisodes, pour comprendre. Je vous en laisse le temps.

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Il se tenait devant la porte, Elle ne l'a pas fait entrer. Elle ne le fait jamais. Il avait noué en queue de cheval famélique ses cheveux blondis à l'eau oxygénée. Parceque c'était plus féminin, probablement. Sa machoire saillante contrastait avec les sourcils finement épilés, et l'emplâtre de fond de teint masquait mal la pilosité naissante sur ses joues creuses. Les paupières étaient ombrées et la lèvre ourlée de rose. Ses épaules carrées et son torse étaient moulés dans un T-shirt qui laissait à dessein ressortir les attributs pour lesquels il avait tant lutté. Embryons d'une poitrine qui se veut féminisante, mais qui ne sera jamais rien d'autre qu'un amas de tissus adipeux, dépourvu de légende. Parcequ'on ne fait pas d'un oiseau un poisson, quelle que soit l'energie et la foi que l'on y met. Il lui avait expliqué un jour qu'il portait des "bouts de tétons", de ces embouts silicone que portent certaines mères allaitantes. Elle en avait eu froid dans le dos. Aujourd'hui, il ne devait plus quitter ses prothèses, il portait fièrement en avant ses pointes rondes qui dardaient sous le vêtement. Le pantalon taille basse laisser apparaitre dans le bas les sandales bleu marine qui enserraient une pointure 45. Debout devant la porte, il jouait avec la bretelle beige de son sac à main. Il avait quelque chose à dire, quelque chose comme un mauvais cadeau. Comme les mulots et lézards vivants qu'offrent quotidiennement les deux chats. Un cadeau dont elle se passerait sans mal. Elle savait ce qu'il allait dire.

- Il faut que je te dise... J'ai été accepté dans le protocole (de transexualisme, NDLR) après 4 années de demande. ça veut dire que je vais commencer les traitements en vue d'une opération définitive.

Elle le savait. Elle s'en doutait. Depuis plus de 5 ans il faisait des aller-retour entre ce qu'il pensait être et ce que la société attendait de lui. Avec depuis 2 ans une certaine stabilisation dans l'androgynie. Elle savait la peine de ses fils, elle le savait pour les mener chaque semaine voir des psychologues. Chaque semaine pendant 4 ans. A fonds perdus. Ils évacuent comme ils peuvent. A leur manière pas forcément verbale. A la façon frontale qu'ils ont, à l'entrée de l'adolescence, de se heurter à l'adulte, à celui qui met les barrières et qui dresse les garde-fous, à celui qui les empêche de basculer. Qui dresse pour eux des parapets. Mère et beau-père. Cette façon inquiétante qu'ils ont aussi parfois de retourner la violence, la colère et leur incommensurable impuissance contre eux-même.

- Tu en as parlé aux enfants ?

Elle a posé la question pour dire quelque chose, en même temps qu'elle a croisé les bras devant sa poitrine, parcequ'elle n'en pouvait plus de sentir son regard appuyé comparer, jauger, mesurer son corps à elle. Regarder l'original avant de copier. Elle sourit intérieurement en se disant que si menue qu'elle soit, sa poitrine à elle avait nourri des enfants, son corps avait fabriqué et nourri la vie, ce qu'aucune opération transgenre n'apporterait au nouveau sexe. Pas plus que l'orgasme vaginal. Un nouveau sexe fabriqué en salle d'op' mais qui serait vide, vide d'histoire, de passé, vide d'avenir et vide de sensations. Fantasmé, certes, mais une copie. Rien qu'une copie.

Elle avait soudain les pieds dans le béton. Et la marée qui montait... montait. Bientôt l'eau lui arriverait au menton et il faudra qu'elle donne un coup violent pour échapper à la suffocation, pour sauver ses enfants d'une apnée trop longue. Comme souvent. Elle savait qu'elle pouvait le faire. Qu'elle avait chaque fois suffisamment d'energie. Parce qu'elle n'était pas seule.

- Oui, j'en ai parlé avec eux, ils m'ont dit que ça ne les dérangeait pas.

En un éclair, elle s'est dit "Faites qu'une vache tombe du ciel, là, tout de suite..."

- Ont-ils le choix ?

- Oui ils l'ont. Non, tu as raison, ils n'ont pas le choix. Mais on a bien discuté et ce qui les dérange le plus c'est surtout que je puisse un jour leur ramener un garçon à la maison.

Elle l'a laissé dire, laissé croire. Comme toujours. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre. Il n'a toujours entendu que ce qu'il lui convenait. Même quand Elle avait dit qu'elle partait il n'a pas voulu l'entendre. Il n'entend pas ses enfants, parceque "les enfants ça s'adapte aux parents, pas l'inverse." Définitif et péremptoire. Une règle de vie. Elle a chargé sa mule, encore une fois. Comme toujours. Elle sait ce qui se passera ensuite. Elle sait de quelle humeur ils seront ce soir. Et les jours prochains. Elle sait qu'à la rentrée elle devra rappeler les psy pour poursuivre leur thérapie. Vaine béquille...

- Le service qui me suit à Lyon aura besoin de rencontrer les enfants, il faudra voir comment on s'arrange (silence). J'ai de la chance, poursuivit-il avec une pointe de fierté mal venue, normalement l'opération ne se fait pas si on a déjà été marié, et surtout si on a des enfants... J'ai de la chance... (nouveau silence qu'elle ne rompt pas...) Ils vont peut être vouloir te rencontrer aussi, si tu veux bien ...

- Pense à leur donner les coordonnées des psy des garçons... Elle avait eu envie de dire "pourquoi me rencontrer, me demander mon avis... Je ne suis là que pour éponger les dégâts. C'est tout. Comme chaque fois. C'est ma croix". Mais elle n'a rien dit de tel. Elle investit un nouvel espace de silence.

- Bien sûr, si tu veux...

(à partir du moment où le bilan de l'équipe pluridisciplinaire s'avère favorable, il est remis au futur opéré un papier engageant la CNAM à prendre en charge à 100% les frais des différentes opérations et des traitements hormonaux à suivre à vie. NDLR)

Elle a refermé la porte et s'est adossée contre. Son regard s'est porté dans le vague, sur la porte de la buanderie. Puis, Doux est apparu dans son champ de vision... Doux et sa patience. Doux et ses grands bras chauds de Messie. Doux et sa paternité d'adoption, par amour pour elle. Doux qui la prend avec ses casseroles, ses marmites en fonte qui bringueballent bruyamment contre le bitume de leur vie. Doux qui affronte de plein fouet au quotidien les dégâts collatéraux. Les portes qui claquent. Les remarques acides de l'adolescent en construction.

Elle devra apprendre à ses enfants à vivre avec un papa qui n'en est plus un, un papa qui se fera appeler... comment se fera-t-il appeler, d'ailleurs ? Comment peut-on apprendre à des enfants à vivre avec ça ? Elle avait déjà cherché la réponse sans la trouver. Nocif. Avait conclu, péremptoire, l'un des psychologues quelques années auparavant, recommandant contre toute attente une rupture avec le "père". "Il n'y a pas danger avéré", avait rétorqué le juge aux affaires familiales, tout aussi péremptoire... Alors ils ont colmaté les brèches, sans relâche, son skipper amoureux et Elle. Leur famille est un frêle esquif. Frêle, fragile et rapide par vent arrière. A peine ralenti par vent debout.
E la lotta continua...

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Nous allons partir quelques jours. Au frais. Nous gaver de chlorophylle. Respirer fort l'odeur de pins et de tourbes des Pyrénées audoises, l'odeur des mousses et des fougères. Nous tenir chaud pour affronter l'automne à venir. Faire le plein d'amour et de liens qui se resserrent. Tous les huit. Une seule famille. Une seule famille qui dit à ses membres qu'elle les aime, pour les rendre plus forts. Très très forts. Ils ont besoin de ça. Et nous aussi.

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jeudi, juillet 12, 2007

Sept...

choses que vous seriez supposer ignorer de moi... Taguée. La patate chaude m'est tombée dessus. Il me semble avoir déjà joué à un jeu identique à l'époque où il ne fallait que cinq révélations... l'inflation galope ! Merci Kamaïa, hein, au fait... maintenant va falloir que je soye à la hauteur !

Trouver SEPT trucs à vous dire, que vous ignorez, mais en même temps que j'aurais envie de dévoiler. Ouais ouais ouais... Bon. J'ai vu ailleurs, chez vous, des trucs qui sont tout moi. Donc si vous vous reconnaissez , ça veut dire que nous avons quelque chose en commun. Plutôt bien, non ?


photo de Doux

1/Très peu de gens le savent, mais mon métier est un contre-emploi. Dans la vraie vie je suis désordonnée comme ça n'est pas imaginable. J'ai du choisir un métier qui m'oblige à beaucoup de rigueur. Classer selon des normes, inventorier, répertorier, dépouiller, cataloguer et attribuer des mots-clés pertinents, pour retrouver l'information en moins de 2 mn, sans hésiter. En vrai, en dehors du boulot, ça n'est pas moi du tout. Chez moi ça n'est pas ça... ne me demandez pas où est ma dernière fiche de paie, un vent de panique va me traverser. J'ai sur mon bureau deux ou trois tas et je sais ce qui s'y trouve... à peu près !

2/Au quotidien je ne suis pas patiente du tout. Mais je me contrôle. Avec l'âge... par contre, je suis capable, comme le boa, d'attendre DES ANNEES une chose que je veux vraiment. Je sème des petits cailloux. Et j'attends qu'ils poussent. Si, ça pousse, les cailloux blancs semés avec le coeur...

3/ En vrai je me teinds les cheveux, c'est la coiffeuse qui me les colorie un a un de couleur argentée, pour faire comme si j'étais poivre et sel. Si si... j'vous jure.

4/Je suis une brave fille... parfois un peu langue de vipère, j'avoue... Mais brave fille quand même, au fond.

5/Je n'ai pas beaucoup de mémoire. Et je ne me soigne pas parceque ça ne me dérange pas. Je ne note rien non plus, de toutes façons je perds mes notes...


photo de Doux


6/ Depuis que je suis ado j'ai voulu avoir 6 enfants. Avec le père des garçons, je n'en voulais pas plus "que ce que j'étais capable d'élever seule". Trois. Puis Doux m'a apporté les deux siens et nous avons complété notre collection. SIX. Et ça m'épanouit. Bon, je dis ça parce que là ils sont partis en vacances "en face" depuis 2 semaines, je romantise un peu certainement... reposez-moi la question dans 2 semaines ! Sans rire, c'est vrai, je m'éclate. Même si c'est remuant, même si ça remet en question, même si les jours ne se ressemblent jamais, même si c'est tempête souvent. ça empêche de vieillir.
y a du roulis, y a du tangage, y a des coups d'chien dans la gran'voi-leuh, mais comme on n'est pas des mauvie-tteuh, de tous les métiers c'est le plus joli...

7/ Etre raide dingue amoureuse aussi à la quarantaine passée ça m'empêche de vieillir. J'ai 16 ans depuis 5 ans, la maturité et la sérénité en plus. Et la vie devant moi. Et pas une ride.

7bis/Une contrariété toutefois : je sais maintenant que je n'aurais pas assez d'une vie pour faire tout ce que j'ai envie de faire, alors il me faut faire des choix. Mais j'ai encore toute cette vie-là devant moi...

A vous. Oui, là, le toikitecache, le lecteur de l'ombre, dis-nous ce que nous ignorons de toi. Et fais-moi signe ici, je viendrai te lire ;-).
Et tous ceux qui veulent, ceux qui n'en disent jamais plus que quelques billets brefs , ceux qui tournent les mots autour du pot... dites-moi qui vous ètes.


EDIT du 13/07 : mi-temps à 60 km de chez moi (autoroute, 40 mn) et l'autre mi-temps au collège de mes fils... ils vont adorer la (bonne ?!) nouvelle...! Finalement, Soeur Anne, c'est sauce aigre-douce :-)

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vendredi, juillet 06, 2007

Lapin au pays des Doudoux

Tenaillée depuis quelques jours par quelques vélléités artistiques soudaines (et légèrement exacerbées par l'achat de cette merveille),



je profitais hier de ma première journée de congés pour rentabiliser illico tant d'energie créatrice (vite vite avant qu'elle ne disparaisse !) . J'embarquai donc Lapin, harnachée dans son siège, et nous sortîmes de notre ruralité pour nous rendre au magasin de tissu le plus proche, soit à 25 km.

J'adore les magasins de tissu, les couleurs, les textures, les crissements et autres froissements... Lapin me tenait sagement par la main, fascinée elle aussi par les rouleaux colorés, les coupons soldés, les voilages légers, les fausses fourrures, les plumes et les velours dévorés.

Mais il faut d'abord que je vous parle du doudou de Lapin... Très tôt, elle a jeté son dévolu sur les étiquettes en satin des vêtements. Par commodité, nous avons bien vite détourné sa passion vers des rubans de satin, plus faciles à se procurer. De toutes les couleurs, de toutes les dimensions. Dans toutes les pièces et dans toutes nos poches. Un doudou ne doit jamais être trop loin d'elle. J'adore le petit geste lest qu'elle a pour enrouler le ruban autour de son pouce droit avant de s'en caresser la lèvre supérieure, les yeux dans le vague.

Donc hier, nous nous promenions, ravies, entre les travées de tissu mais je ne trouvais pas mon bonheur. Ou plutôt, comme chaque fois, je n'arrivais pas à me décider. Une robette à pois ? Quelle couleur ? Du vichy amande et blanc ? je cherchais un autre tissu, un liberty dans les mêmes couleurs à associer. En vain. Nos pas nous ont portées vers le rayon des... rubans de satin ! Le Paradis des Lapins. Quatre mètres linéaires, des rouleaux sur 5 niveaux, du sol jusqu'à 1 m ... soit, à la louche, une grosse centaine de rubans différents à portée de petites mimines. Rangés par coloris, camaïeux, fascinants arc-en-ciel. Des larges, des fins, des moyens, des moins étroits... J'ai vu ses yeux s'allumer d'un coup, sa main à glissé hors de la mienne et sans dire un mot elle est allée se recueillir devant ses étoiles.
Pendant dix bonnes minutes elle les a essayé, elle enroulait d'un coup de pouce expert, testait sur sa lèvre, reposait, passait à un autre, faisait parfois une moue accompagnée d'un "babon" sans appel avant de lâcher l'intrus. Je l'ai laissée faire un temps, jusqu'à ce que je commence à sentir les regards trop insistants des autres clientes et des vendeuses. J'ai alors doucement saisi sa main, y ai glissé mon pouce et j'ai de mes doigts enveloppé les siens avant de la diriger, encore hypnotisée, vers la sortie.
Elle s'est docilement laissé faire jusqu'à ce que nous passiions le seuil. Là, la lumière du soleil et la brise de Juillet l'ont sortie de sa transe. Ses pieds se sont plombés, littéralement collés au sol, ses yeux bruns se sont assombris d'un noir d'apocalypse, et elle a ouvert grand la bouche... Je suis toujours stupéfaite par le volume sonore qui peut s'échapper d'un si petit corps.

Naaaaaaaaaannnn !!Doudououououououou !

C'était un cri de détresse, stridant comme elle sait si bien faire. Et mes vieux tympans en ont vibré de surprise, des clochettes se sont mises à tintinabuler dans ma tête et j'avoue que je n'ai que très peu de résistance à de telles sonorités. Après tout, je n'allais pas risquer les acouphènes pour un simple bout de ruban. En deux secondes nous étions de retour devant le rayon, "vas-y lapin, lequel tu veux ?" Elle savait déjà, elle les avait déjà essayé. Son choix s'est porté sans hésiter sur un ruban de la bonne largeur, soit la longueur de son petit pouce et de couleur... rose Barbara Cartland !
Une queue à la caisse longue de 8 personnes pour 50 centimes de ruban...

Depuis hier, elle est aux anges... elle a trouvé son paradis !

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