samedi, février 19, 2011

Vacances ?

Non, je ne suis pas en vacances !

Attention billet à haute teneur en aigreur et acidité...

Faire partie de la dernière zone, se taper 8 semaines d'affilée, regarder les "1ères zones" venir nous pourrir notre maigre capital neige (nyark-nyark-nyark)  et faire des kilomètres de bouchons polluants dans nos vallées...

Je plaisante, hein, pour les touristes ! Si je parle de 8 semaines entre deux-c'est-dur, je ne dis pas que j'ai du mal à me lever le matin, feignasse que je suis.

Je parle des enfants qui sont fatigués, je parle de ces élèves épuisés, agités, qui ne tiennent pas en place. je parle de cette ambiance survoltée, ce genre d'ambiance que l'on sent prête à partir en vrille d'un instant à l'autre pour une imprévisible broutille... Je parle de ces yeux éteints et cernés en salle des profs, je parle de cette tension palpable qui met à cran et aux aguets en permanence et sans une minute de répit dans une journée de travail. Je parle de ces bataillons d'agités des hormones prêts à toutes les facéties, à tout ce qui pourrait être en temps normal une bonne blague potache faite à un encadrement adulte réduit à la portion congrue, épuisé et démotivé de surcroit depuis des années ...

J'avais prévu il y a 2 jours de faire un beau billet sur mon boulot, avec des gros bouts d'optimisme dedans. Mais là... pas le courage. Et puis ça sonnerait vraiment faux.Et pourtant, bon sang que je l'aime, mon métier. Celui-là et pas un autre. Même sans reconnaissance. Ni sociale (de ça je me fiche en général comme d'une guigne) Ni de la part de mes pairs "enseignants de discipline" comme ils se disent. Parce que oui, quoi, être titulaire d'un CAPES de documentation, sur un bac+4 ou 5,  avec un taux de réussite de 2%, avec une expertise certaine en sciences de l'information et de la communication, pour être au quotidien  sous-considérés et sous-employés, quelque chose d'hybride entre la bibliothécaire (j'adore les bibliothécaires, j'ai même passé leur concours et je regrette aujourd'hui de n'avoir pas insisté après le 1er échec, au moins je ferais aujourd'hui un métier clair, visible et dont on sait en quoi il consiste... fin de la parenthèse) et le surveillant, ça n'est pas toujours de tout repos. Il faut se positionner et se repositionner en permanence pour pouvoir juste l'exercer.

Au quotidien je n'arrive même plus à avoir ce détachement et  ce sens de l'humour qui  sauvent, quand des collègues me demandent si c'est moi qui achète les livres ou si c'est le Rectorat qui me fournit des pistes, qui doutent de ma légitimité à remplir les rayons d'ouvrages jeunesse qui collent aux programmes, de toutes les matières et de toutes les disciplines, voire à anticiper un an avant de façon à ce qu'une fois le programme effectif, le CDI propose déjà des livres sur lesquels travailler ; qui s'étonnent de la connaissance nécessaire en romans jeunesse qui tapent juste, plaire en ouvrant l'esprit et sans gaspiller ni les maigres deniers publics qui me sont alloués, ni décevoir la curiosité des ados lecteurs, en même temps qu'essayer de faire entrer dans la lecture ceux qui en ont peur.
Je ne parle même pas ce gâchis de compétences en didactique de l'info'com', qui consiste à apprendre aux jeunes à se repérer et  décrypter le monde, à agir et être participants conscients de la société de l'information et à développer des compétences d'apprentissage transversales comme la critique et la maitrise de la réflexion nourrie et distanciée...

Au quotidien, ce métier se résume aujourd'hui à passer son temps en justifications, à jouer des coudes et mendier des groupes d'élèves (autres que pour de la surveillance de lutins façon salle d'étude de luxe) auprès des collègues  pour tenter de mettre en place ces compétences, des savoir-faire et des concepts...

Aujourd'hui tout ça me fatigue... me fatigue et me dégoute. Quand d'en-haut on nous "pond" un projet de circulaire de mission qui redéfinit notre métier, qui nie avec mépris ce pour quoi nous avons été recrutés, les bases sur lesquelles nous avons été recrutés et sur lesquelles notre contrat de travail s'appuie de fait, il sera à l'avenir difficile de nous positionner comme de véritables professionnels munis de compétences transmissibles. Juste des prestataires de service. Au service de qui ? Pas des élèves, en tous cas...

De toutes façons, l'Educ'Nat' n'est-elle pas en train de se dissoudre, se muer en "service  (au) public" qui offre des "produits" ? Du "produit éducatif" comme de la boite de haricots verts extra-fins ? (via l'autonomie pédagogique des établissements, à travers la fameuse DHG -dotation horaire globale- et  à terme proche la concurrence des établissements, leur productivité, pardon, leur rentabilité, ah, zut, leurs résultats aux exams -et ne vous leurrez pas, chers parents, il est faciiiiiiile de faire réussir artificiellement le plus grand nombre à des exams...) afin de céder la place à sa propre marchandisation (à ce propos, le vocable de l'entreprise nous a déjà rejoint : objectifs, résultats, moyen d'action,  et bientôt valeur ajoutée...)

Mais voilà, les compétences que nous développons encore ne sont pas marchandes, comptables,  elles ne font pas les dociles citoyens attendus de demain. En dehors du monde de l'entreprise, point de salut ?

Il me reste près de 20 ans à pratiquer encore ce métier. Mais pourrais-je encore l'exercer comme je l'aime, avec ce retour des élèves qui souvent fait passer la pilule amère et grosse comme un citron (je suis correcte, je parle de pilule mais c'est une autre métaphore qui me vient à l'esprit). Pourrais-je encore exercer ce métier sans être le héraut bien malgré moi d'un projet de société que je réprouve ?

Non, je ne suis pas en vacanceS... Je suis en vacance... en vacance de motivation. Non pas que j'aie perdu la foi... juste que je n'arrive pas à adhérer à celle que l'on voudrait me coller.


Toi, le troll qui passeras immanquablement par là, pas la peine de me suggérer que si je ne suis pas contente je n'ai qu'à changer de métier. Merci, si je veux je change de métier, je n'ai pas besoin de ton avis acerbe et stérile. Je POURRAIS si je voulais. Mais voilà, je ne VEUX PAS changer de métier :-) Alors laisse-moi chouiner SI JE VEUX et jouer les lanceurs d'alerte SI JE VEUX ! Il ne s'agit pas de défendre une corporation mais une certaine vision de la société... Fuir vers ailleurs n'est pas constructif. En tous cas ça n'est pas ma façon d'être citoyenne. 

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dimanche, février 06, 2011

Dead can dance

Merci. Merci pour tous vos commentaires qui font si chaud au coeur, merci à celles qui ont commenté ici pour la 1ère  fois, merci à celles qui me suivent depuis des années, ou des mois...

J'ai passé quelques jours complètement sonnée... et puis l'énergie et l'élan de vie de ses deux fils est contagieux. Rien ne sert de s'appesantir sur la blessure laissée par ceux qui partent, ça empêche d'avancer.

J'ai passé une partie marquante de mon enfance dans un pays où

"Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire
Et dans l’ombre qui s’épaissit.
Les Morts ne sont pas sous la Terre :
Ils sont dans l’Arbre qui frémit,
Ils sont dans le Bois qui gémit,
Ils sont dans l’Eau qui coule,
Ils sont dans l’Eau qui dort,
Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :
Les Morts ne sont pas morts."

Là-bas on ne pleure pas ses morts, on les fait passer d'un monde à l'autre, du monde des vivants à celui des ancêtres qui veillent sur nous. On les célèbre au rythme de chants, de danses, de vêtements colorés et de repas riches. 
Je suis profondément agnostique, ce qui ne veut pas dire que je ne crois en rien, ni que je sois farouchement athée. Mon éducation est le fruit de deux cultures, et je crois que nous portons nos morts dans nos souvenirs, dans notre coeur (ce qui revient au même...) et c'est ce qui continue de les faire exister, au-delà des légendes d'ectoplasmes. De la même manière, je ne m'attache pas au lieu où gisent les corps des absents. ça ne m'empêche pas de parler dans ma tête à ceux qui ne peuvent entendre ma voix. Puisque concrètement, c'est dans cette partie de mon corps que résident mes souvenirs d'eux. Le cerveau. Je sais, dit comme ça, ça parait un peu schizophrène.

Une amie m'a envoyé  des mots d'une prière améridienne

 Je ne suis pas là, je ne dors pas.
Je suis les mille vents qui soufflent,
Je suis le scintillement des cristaux de neige.
Je suis la lumière qui traverse les champs de blé,
Je suis la douce pluie d'automne.
Je suis l'éveil des oiseaux dans le calme du matin,
Je suis l'étoile qui brille dans la nuit.
N'allez pas sur ma tombe pour pleurer,
Je ne suis pas là, je ne dors pas.

en écho au poème de Birago Diop cité plus haut. Cette idée m'aide à supporter l'absence de ceux qui sont partis. Même si je ne suis pas persuadée d'y croire complètement. J'ai un doute, que je refoule quand ça m'arrange.
Mais au fond, rien ne se perd, rien ne se crée... Tout se transforme.

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